Le secteur événementiel en ordre de bataille
Remballés les petits fours et le champagne, les poignées de main plus ou moins chaleureuses dans les allées, les deals naissants dans les stands : la crise du Covid-19 a sonné le glas des grand-messes. Depuis le début de la crise, 4 500 événements ont été annulés et 3 000 ont été reportés – avec une perte de 15 milliards d'euros, selon l'Union des métiers de l'événement. Un coup dur sans précédent pour le secteur de l'événementiel, qui a cherché son salut dans la digitalisation, et envisage désormais son avenir dans un équilibre entre distanciation et présentiel. Comment s'est opérée cette transformation des événements et avec quelles perspectives ? Quel futur espérer pour l'événementiel ?
Un contexte économique difficile pour la communication
66%. C'est le pourcentage de marketeurs et de communicants dont le budget a été réduit durant la crise, selon une étude Cision menée auprès de 552 d'entre eux en mai 2020. 10% des concernés ont même dû diminuer leur budget de plus de 50%. Rappelons que la communication est un « secteur dont les budgets sont coupés généralement en premier, en temps de crise » (cf. notre interview avec Bertrand Beaudichon, CEO d'Initiative, agence média du groupe IPG Mediabrands).C'est dans ce contexte de restriction budgétaire que des rassemblements ont fleuri sur la Toile, moins coûteux à produire, comme l'explique à Story Jungle Michel Lévy-Provençal, fondateur de la première conférence TEDx européenne et de Boma France : « Le digital réduit le coût d'un événement de manière drastique. Il le divise quasiment par trois. Il permet aussi de réaliser des gains de productivité importants. Plus de 90% de notre chiffre d'affaires est digital – je ne parle pas de la période de confinement pendant laquelle le chiffre d'affaires était proche de zéro, comme celui de tout le monde, mais du carnet de commandes de la rentrée. » Pour l'entrepreneur, les clients restent pour l'instant dans une logique de « no-touch » : « Les gens se projettent dans le digital. Les budgets vont forcément baisser, et on risque d'en faire davantage. »
Si le coût pour un événement digital reste relativement moins élevé, il n'en reste pas moins qu'il faut savoir mettre le prix, comme le commente à Story Jungle, Corinne Mrejen, Directrice générale Groupe Les Échos-Le Parisien, chargée du pôle Partenaires : "C'est une fausse idée de penser que le digital coûte et vaut moins cher. Au contraire, la multiplicité de la valeur créée par le digital décuple la puissance événementielle. Si on veut une expérience utilisateur de qualité avec une exécution irréprochable, les coûts du digital sont loin d'être neutres. Aujourd'hui et demain nos événements seront hybrides avec les coûts de l'événementiel en présentiel et les charges de la digitalisation."
Des opportunités à saisir
Selon l'experte, « les entreprises qui ont eu de bons résultats, à savoir un taux de participation important, sont celles qui ont investi dans des plateformes solides, s'appuyant sur des technologies d'habillage vidéo, qui permettent de capter l'attention tout au long du webinar et de sortir du classique format Zoom. Sur la partie communication, elles ont aussi fait appel à des influenceurs pour couvrir en temps réel le webinar sur Twitter par exemple (Live Tweet) l'engagement est alors au rendez-vous. » Un constat que partage - pour l'avenir - Corinne Mrejen, Directrice générale Groupe Les Échos-Le Parisien, chargée du pôle Partenaires : "la réussite de la digitalisation ne se fera pas sans une qualité d'exécution irréprochable".
Aujourd'hui, certains acteurs de l'événementiel butent sur un modèle économique trop traditionnel et se refusent à digitaliser, malgré l'essor et la rapidité de diffusion des technologies digitales et virtuelles, explique Annie Lichtner : « ll y a beaucoup d'évangélisation à faire. Certains acteurs sont habitués à leur modèle économique depuis tant d'années, basé sur des exposants, des ateliers et des conférences plénières. Avec le digital, c'est tout leur modèle qui s'effondre.»
Des exemples réussis d'adaptation
Ceux qui ont su s'adapter rapidement et soigner leurs contenus ont ainsi profité d'une large audience. De cette manière, Laval Virtual, l'association internationale de promotion des réalités virtuelle et augmentée, a repensé en un mois – un délai extrêmement court pour ce type de manifestation – son édition 2020 en une version totalement virtuelle. Cet événement, qui a eu lieu en ligne du 22 au 24 avril, a connu un vrai succès. Pas moins de 11 000 personnes se sont inscrites et 6 000 avatars se sont rencontrés au Laval Virtual World, qui a réuni 110 nationalités différentes.L'événement proposait ainsi en ligne des salles de conférences plénières, des salles de rendez-vous d'affaires, une zone de networking, un festival d'art et de réalité virtuelle, Recto VRso : « Il était dans notre ADN de créer un événement de cette envergure. C'est notre monde, donc c'était instinctif, observe Béatrice Mottier, présidente de Laval Virtual, interrogée par Story Jungle. Pendant une dizaine de jours, nous avons établi un benchmark d'une quarantaine de plateformes virtuelles, susceptibles de pouvoir accueillir un tel événement. » Le choix s'est porté sur la solution 2D en temps réel, interactive et immersive de la société VirBELA.
« Défricher un champ des possibles »
« L'événement a permis de toucher une cible plus large que d'habitude et de défricher un champ des possibles. Cela génère aujourd'hui un espace de ressources que nous n'avions pas soupçonné, et donc une résilience incroyable ». Soutenue par les collectivités locales et par des sponsors et partenaires, l'édition virtuelle a connu une perte nette de 350 000 euros. « Un trou cependant inférieur à ce qu'aurait provoqué une annulation pure et simple : l'investissement constitué par la création du Laval Virtual World a été plus que compensé par l'aide des sponsors », note Le Journal du Grand Paris.Pour Annie Lichtner, cette période a été riche d'enseignements : « Tout le monde a été pris de court. Beaucoup d'acteurs ont dû bricoler pour créer leurs événements en ligne. Que cela nous serve de leçon. S'il y a une deuxième vague [d'épidémie], les entreprises seront mieux préparées pour proposer des événements en ligne plus professionnels. »
Dans un tout autre cadre et à une échelle différente, les médias aussi ont su faire preuve de résilience. Pop-Up Magazine, spécialisé dans le journalisme sur scène, a converti l'intégralité de son émission en direct en une vidéo préenregistrée mise en ligne sur YouTube. Alors que l'an dernier la tournée de printemps avait attiré 15 000 participants dans plusieurs villes différentes, la version 2020 a généré plus de 37 000 vues sur YouTube, depuis sa mise en ligne le 28 mai. Le New York Times a déjà produit pas moins de 30 événements virtuels depuis le début du mois de mars. Elizabeth Weinstein, la directrice principale de la programmation, a déclaré à Digiday que ces événements « ont attiré plus de 100 000 participants de plus de 90 pays ».
Dans un futur hybride entre réel et virtuel, l'enjeu du secteur sera de créer des rendez-vous physiques plus rares, mais plus qualitatifs. Pour Vincent Dumont, directeur de l'agence Chaïkana, consulté par Story Jungle, l'enjeu véritable réside dans la « question de l'attention, qui est amplifiée avec le distanciel. Dans l'économie de l'attention, le contenu est plus que jamais roi, et a fortiori en distanciel, où les intervenants sont livrés sans artifices scénographiques à leur public ! Produire du contenu à forte valeur ajoutée, c'est produire un message clair, concis et direct, avec un casting de qualité, autant dans le choix des speakers que dans leur préparation. Le vrai sujet, c'est capter l'audience. »
[1] Un collectif d'influenceurs spécialisé dans le digital

Ne ratez pas nos évènements, webinaires en ligne ou petits déjeuner bien physiques
>> Recevez nos invitations aux webinaires