Welcome to the Jungle : « 50 personnes font vivre le média »
Pour tout galérien du monde du travail, Welcome to the Jungle reste un refuge connu. Pour beaucoup, la plateforme est avant tout un média délivrant son lot de conseils pragmatiques – comment limiter les dégâts des écrans au travail sur notre santé, comment réagir face aux collègues qui volent vos idées, comment sortir du lot avec une bonne accroche sur son CV – et de témoignages édifiants d'employés ou de personnalités – le journaliste de mode Loïc Prigent mentionne par exemple son rapport obsessionnel au travail.
Face à la jungle du monde du travail, vous avez voulu donner des armes aussi bien aux candidats potentiels qu'aux recruteurs. Avez-vous souffert par le passé d'expériences de travail malheureuses ?
J'ai eu la chance de ne pas avoir subi trop de désillusions dans ma vie professionnelle avant de créer Welcome to the Jungle. Lorsque j'étais étudiant, je n'avais aucune idée de ce qu'était concrètement le monde du travail, ni comment fonctionnait une entreprise. Je n'avais pas la chance d'avoir des parents avec des relations, des « boosts » pour rejoindre une boîte. J'ai le souvenir d'avoir été complètement perdu.J'ai fait une école de commerce. À l'époque, la finance était à la mode. J'ai emprunté ce chemin sans savoir ce qui était possible en dehors de cette voie. Clairement, j'ai manqué de renseignements. Au-delà d'être une plateforme de recrutement, Welcome to the Jungle est un média sur le travail : il donne de nombreuses informations pour faire un choix éclairé, sans être dicté par des effets de mode.
«L'idée, avec Welcome to the Jungle, est d'aider également les entreprises à développer leur marque employeur»
Welcome to the Jungle est donc né après le constat d'un manque flagrant d'informations sur le monde du travail...
Entre autres. Ce constat-là était prégnant. Ce n'est pas le monde le plus transparent qui existe. L'idée, avec Welcome to the Jungle, est d'aider également les entreprises à développer leur marque employeur. Le monde du travail évolue extrêmement vite. Il y a de nombreux nouveaux métiers et il est parfois difficile de s'y retrouver, surtout que les intitulés de postes actuels peuvent être moins clairs.Pour les entreprises qui font appel à vos services, n'y a-t-il pas un risque qu'elles glorifient leur image auprès de candidats potentiels et ainsi, faussent directement les relations ?
Il y a toujours du marketing RH. C'est normal. En revanche, je pense que les entreprises comprennent aujourd'hui que la transparence et la sincérité apportent davantage de valeur que du pur marketing. On n'est pas en train de vendre à tout prix un produit. L'enjeu, c'est de ne pas vendre quelque chose qui n'existe pas. Si vous le faites, les candidats vont partir.Il est important d'avoir le bon lien entre le contenu et la technologie pour proposer une expérience utilisateur optimale« On ne croyait pas que la solution était purement technologique, avec un énième algorithme de matching ; ce qui marche, c'est le contenu concret, inspirant », avez-vous évoqué. Le contenu est votre atout principal ?
La technologie, à la base, ce n'est pas suffisant. Ce sont les contenus qui intéressent les gens. On ne postule pas en deux clics à une entreprise. On cherche à savoir ce qui se cache derrière, ses rouages. C'est le contenu qui va éclairer l'internaute. C'est un principe clé. C'est dans cette voie que l'on souhaite avancer. Cette logique se transpose sur notre offre Welcome Originals, notre plateforme de vidéos et de podcasts en streaming lancée en septembre 2020.«Il est important d'avoir le bon lien entre le contenu et la technologie pour proposer une expérience utilisateur optimale.»
Comment faites-vous l'équilibre entre la plateforme de recrutement et le média ? De quelle manière investissez-vous vos efforts ?
Les deux sont très liés. Nous avons une équipe dédiée chez Welcome qui produit du contenu – 50 personnes font vivre le média. C'est presque un tiers de notre effectif global, soit un très gros investissement. Le média est l'ADN de Welcome : il permet de partager nos convictions, notre vision du monde du travail. Il crée de l'audience, avec 2 millions de visiteurs uniques par mois. Ce carrefour permet aux gens de découvrir nos services et de candidater. Cela crée une source de candidats importante pour les entreprises. C'est vertueux et alimente nos deux parties. On peut ainsi avoir un média indépendant qui peut choisir sa ligne éditoriale et conjuguer business et exigence éditoriale.Welcome to the Jungle, partie média, compte quelques journalistes d'écoles de journalisme reconnues. Pour vous, Welcome to the Jungle peut-il être considéré comme un « vrai » média ? Est-ce qu'il y a une volonté de faire dans le futur des enquêtes approfondies ?
Oui, cela fait partie de ce qu'on aimerait faire. On pense qu'on en a la légitimité aujourd'hui. Il nous faut du temps pour le faire. Mais les bases sont là, avec une équipe qui connaît bien son métier, et pas seulement des journalistes.Quelles sont vos relations avec les médias français ?
Très bonnes. Nous n'entretenons pas de relations spéciales avec d'autres médias, comme Le Monde pourrait avoir avec d'autres entreprises de presse. Nous ne sommes pas un média d'actualité. Notre positionnement reste très différent. Notre sujet principal est le travail. Nous sommes les seuls à le couvrir sous un angle plus « individuel ». On traite de la relation au travail. Cette vision unique nous permet d'avoir notre place. Le traitement classique se fait généralement sous l'angle économique : l'évolution du nombre de chômeurs...Votre père était éditeur. Quelle relation nourrissez-vous avec le print ?
Le print a toujours été un sujet « passion » chez Welcome. Dès le début de l'aventure, on distribuait des numéros gratuits dans les écoles. On a fait des numéros annuels que l'on vendait en librairie et en ligne. La distribution du magazine a été arrêtée pendant le Covid. Cela ne fonctionnait plus pour nous. Le modèle économique du print est extrêmement compliqué. J'espère que l'on pourra reprendre un jour. Cela fait partie de notre ADN de marque. C'est ce que tout média a envie de réaliser : faire vivre son contenu sur de nombreux supports.Comment ont été pensés les contenus sur le print ?
Il s'agissait de contenus exclusifs. Il y a des sujets dont on peut mieux parler dans un médium que dans un autre. En audio, il est plus facile de s'attaquer à des sujets intimes. S'il s'agit d'un sujet complexe, il est plus aisé de le traiter en print qu'en Web.Vous visiez la rentabilité en 2019. Quelle est la situation aujourd'hui ?
Welcome n'est pas encore rentable. On a fait le choix de privilégier la croissance et d'accélérer notre développement. D'où notre levée de fonds de 30 millions d'euros. Depuis les débuts de l'entreprise, notre objectif est de faire grandir les équipes.Qu'est-ce qui marche le plus sur la plateforme, en termes de contenus ?
C'est très varié. Le cœur reste nos articles écrits. On passe énormément de temps là-dessus. Il y a des articles très pratiques, pragmatiques, sur le travail : le processus de recrutement, mais aussi des sujets plus globaux, sociétaux : la diversité en entreprise, les rapports hommes-femmes. Pour ce qui relève de la vidéo, les gens s'intéressent aux formats très courts, très pratiques. Sur Welcome Originals, nous avons développé une série qui s'appelle Challenge – des séries de vidéos courtes qui permettent d'apprendre à maîtriser la prise de parole en public, un thème très plébiscité. À côté, les documentaires de 45 minutes, une heure, sur le futur du travail, intéressent. On est tous préoccupés par le fait de comment s'en sortir mieux au travail.De quoi êtes-vous le plus fier depuis la création de Welcome ?
Cela fait un peu cheesy. On a commencé à deux, avec Bertrand. Aujourd'hui, nous sommes 180 personnes. Cela peut paraître banal, mais je pense que ma plus grande fierté est d'avoir pu donner envie à des gens hyper brillants de nous rejoindre, de travailler avec nous sur ce projet, beaucoup plus riche qu'il ne l'était au départ. On espère qu'après le Covid on pourra reprendre notre expansion à l'international.Crédit Photo - Welcome to the Jungle