Comment Time for the Planet cartonne sur LinkedIn
Vous les avez sans doute vus passer : "Je suis actionnaire de Time for the Planet". La start-up co-fondée par Arthur Auboeuf a mis en œuvre une stratégie virale ultra efficace sur LinkedIn. Avec pas loin de 80 000 abonnés (et près de 21 000 associés, excusez du peu !), Time for the Planet a réussi le tour de force de transformer sa page LinkedIn en véritable machine de guerre dédiée à l'acquisition... d'associés. Entretien.
Time for the Planet a été lancé en novembre 2019. L'ambition du fonds est de lever 1 milliard d'euros pour monter une centaine de sociétés. Aujourd'hui, vous êtes 21 000 associés et vous avez levé 4 millions d'euros. Pouvez-vous désormais investir dans des projets ?
Oui, dès le 26 juin, lors de notre première assemblée générale. L'idée est de détecter des innovations à impact contre les gaz à effet de serre. Un entrepreneur viendrait aider l'innovateur pour trouver un modèle économique solide. Nous serons là pour aider l'entreprise à ses débuts en y injectant de l'argent afin de renforcer son déploiement.Notre ambition explique le fait que nous soyons structurés en mouvement : n'importe qui peut nous rejoindre – à partir de 1 euro – en devenant associé. Nous ne créerons pas 100 entreprises mais 100 marchés : si nous échouons, d'autres pourront continuer.
Est-ce que les entreprises seront détenues à 100 % par l'organisation ?
Nous entrons au capital en étant majoritaires. C'est l'inverse de ce qui se passe avec des fonds traditionnels. L'idée, c'est que nous en sortions le plus tôt possible : nous lançons de nombreuses sociétés. Ces graines – une fois semées – vont germer, notamment grâce à l'open source.Nous voulons rendre ces entreprises viables en investissant lorsque personne n'y croit. Une fois qu'elles le sont, nous réutilisons l'argent pour en fonder de nouvelles.
Qui peut être associé à votre cause ?
N'importe qui peut l'être : il peut y avoir le vice-président du Medef et des gens vivant en autarcie dans le Vercors, tout comme des pro et des anti-nucléaire. Il ne faut pas chercher des coupables, mais rassembler : nous n'avancerons pas en étant moralisateurs et culpabilisateurs.Il y a une grande variété de profils mais une majorité de personnes ont fait des études, travaillent et peuvent se permettre d'investir.
La communauté du digital s'intéresse-t-elle à votre projet ?
Oui, car nous utilisons des outils digitaux : nous les maîtrisons et avons lancé des entreprises sur ces sujets. Les membres de cette communauté sont réceptifs à notre travail.Vous misez majoritairement sur votre page LinkedIn, qui compte 80 000 abonnés. Pourquoi ?
Personnellement, j'ai créé des communautés sur plusieurs réseaux : Facebook, Instagram et Triller – un concurrent de TikTok. Rapidement, je me suis rendu compte que, sur le long terme, ils orientent vers les pages et comptes des influenceurs.L'algorithme est moins efficace sur les pages mais nous pouvons faire plus de publications. L'engagement est très fort et nous invitons les gens qui nous rejoignent à s'inscrire comme « employés » pour les notifier depuis la page.
Qu'est-ce que vous testez comme contenus, stratégies et approches ?
Majoritairement, des contenus impactants : il faut attirer l'utilisateur via une vidéo ou une photo et faire en sorte que la première phrase soit efficace. Notre charte – sérieuse et sobre – est contrebalancée par un trait d'humour. Un message doit être compris comme si le lecteur lui-même en avait eu l'idée.La partie graphique est épurée et accompagnée d'un message fort. Est-ce pour donner l'envie de partager ?
Le design est essentiel : quelque chose de beau est plus regardé. Quand tu rédiges un texte sur une image, s'il n'a pas une forme géométrique – et qu'il respecte donc les règles syntaxiques –, la mise en forme n'est pas unie. Un texte géométrique correspond à un taux d'engagement supérieur de 40 %.Votre ton humoristique a-t-il pour but de segmenter votre audience ?
Oui, nous cherchons des gens qui veulent avancer dans la joie et la bonne humeur. Ceux qui sont dans la crainte ou la peur, voire la dépression, ne sont pas de bons moteurs et il nous faut quelque chose de désirable, où les gens se sentent à l'aise.Certains formats fonctionnent-ils mieux que d'autres ? Notamment votre live du jeudi : est-il dans une logique d'acquisition ?
Certains ont besoin d'être rassurés car ils connaissent le greenwashing et les solutions miracles qui n'aboutissent pas. Le fait qu'ils soient suspicieux nous demande de produire un maximum de contenus et de dossiers pour être clairs vis-à-vis de notre démarche. Ce jour-là, nous leur répondons sans filtre.
Avez-vous essayé le « paid » sur LinkedIn ?
Nous avons essayé Facebook Ads. C'est intéressant mais je trouve que ce ne sont pas des communautés authentiques. Notre démarche est plus chronophage mais elle nous permet d'avoir des ambassadeurs. Paul Graham, fondateur de Y Combinator, expliquait qu'« il vaut mieux 100 utilisateurs qui t'aiment vraiment plutôt qu'un million qui t'apprécient vaguement ou te connaissent à peine ». Nous ne faisons pas du dropshipping, alors nous devons expliquer dans les détails qui nous sommes et quelles sont nos valeurs.Quel contenu a généré le plus de réactions ?
Au tout début, nous avions partagé l'histoire d'un homme qui a transformé un désert en forêt en Amérique du Sud : le reach a atteint 1,5 million. Désormais, ce sont nos campagnes avec JC Decaux – où l'on tente des choses drôles comme le « Pisser sous la douche ne suffira pas ».Le 12 avril, vous avez lancé votre chaîne YouTube. Pour quelles raisons ?
Nous voulons faire grandir notre organisation le plus rapidement possible. YouTube constitue un challenge, dans lequel il faut mettre beaucoup d'énergie. Nous allons interviewer des gens qui nourrissent la réflexion autour de nos sujets. Avant d'atteindre le seuil critique – où la communauté se crée elle-même –, il faut partager 15 à 20 épisodes. Nous sommes à quelques centaines de vues par jour, et 3 500 abonnés, et la vidéo avec Nicolas Hulot dépasse les 7 000 vues.La logique d'acquisition est toujours suivie par la fidélisation. Vous avez un salon Discord créé à cet effet, pouvez-vous nous en parler ?
Nous créons une « galaxie de l'action » avec des planètes représentant les viviers de compétences – traducteurs, vidéastes, growth hackers, experts du digital – et des comètes. Ces dernières sont des missions à durée déterminée pour faire grandir Time for the Planet : certains traduisent notre site, d'autres appellent de nouveaux associés, font le tour de France à vélo pour des conférences.Nous avons même obtenu notre partenariat avec JCDecaux grâce à un associé. Lorsque la directrice de la communication m'a appelé, tout était déjà prêt : ils voulaient nous offrir une campagne nationale, puis désormais européenne.