« Ce qui importe, c’est la capacité de se réinventer, de créer de nouvelles formes de rencontres »
Fondateur de la première conférence TEDx européenne, cofondateur de Rue89, ancien directeur numérique de France 24, créateur de l'agence Joshfire spécialisée dans les objets connectés, à la tête de l'agence Brightness depuis 2012 qui accompagne les événements Boma, Michel Lévy-Provençal a plus d'une corde à son arc. Salué pour sa capacité à capter les tendances et les innovations de la révolution numérique, l'entrepreneur aguerri s'est prêté au jeu de l'interview pour Story Jungle. Il évoque avec nous le futur de l'événementiel, alors que le monde se déconfine petit à petit.
Le secteur de l'événementiel a été mis à mal par le confinement. Quelles sont les différentes perspectives qui attendent l'activité événementielle ?
Michel Lévy-Provençal – Au début du confinement, j'ai tenté d'identifier, avec mon équipe, les différents scénarios possibles pour notre métier. Sachant que Boma France [réseau d'innovateurs à impact positif dont Michel Lévy-Provençal est le fondateur] – une marque qui délivre ses propres programmes généralement en présentiel, en « face to face » – a été directement impactée par le confinement. L'impact était clair, évident, massif. Tant en France qu'à l'étranger, Boma s'étendant sur dix pays.«Aujourd'hui, nous sommes clairement dans le scénario « no touch »»
Le deuxième scénario intitulé « low touch » désigne l'envie de se retrouver physiquement mais en obéissant à des conditions sanitaires très précises, qui permettent d'assurer une sécurité maximale. Nous avons ainsi commencé à nous associer à des acteurs du monde de la santé afin de proposer des chartes, des offres de services pour sécuriser sanitairement des événements physiques, mettre en place des règles de distanciation physique. Si ce scénario est encore peu utilisé par nos clients, cela ne signifie pas qu'il ne va pas être adopté dans le futur.
Le troisième scénario, plus disruptif et extrême, pourrait résulter de plusieurs phénomènes. Si jamais l'épidémie disparaît de manière subite – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui –, il y aura un pic de demande d'événements et de scénarios « high touch », où tout le monde se voit, avec une proximité très forte. On souhaite retrouver le contact physique, la relation en face à face. Dans ce type de scénario, les gens se disent : tant pis, on prend le risque. C'est ce qui s'est passé à la fête de la musique.
Aujourd'hui, nous sommes clairement dans le scénario « no touch » : le marché reste dans cette optique et est massivement digital.
Dans une période post-confinement, comment se démarquer alors de l'offre pléthorique de contenus digitaux ?
M.L-P. – Post-confinement, il est clair que l'offre webinar est partout. Une certaine lassitude s'installe. Les gens ont moins le temps. Les beaux jours sont là. On peut enfin sortir. Forcément, l'audience chute. Pour autant, il y a des choses à faire pour redonner un intérêt au scénario « no touch » avec de nouvelles offres digitales. On peut mettre en avant des moyens qui ne sont pas uniquement verticaux. Je m'explique. Un webinar : une personne parle et l'audience écoute ; éventuellement, celle-ci pose des questions en chat ou au mieux en vidéo. C'est le maximum que l'on puisse faire. Pourquoi ne pas déployer une plateforme qui crée une fonction de networking permettant aux différents participants d'un même événement de dialoguer entre eux ? C'est ce que nous souhaitons faire.Pour sortir du lot, il faut parvenir à créer un effet de surprise, avec de nouveaux moyens. Lors de notre événement du 23 mars dernier, nous avons bénéficié de l'effet surprise : nous étions les premiers à faire du Zoom et du Facebook. Ce qui importe, c'est la capacité de se réinventer, de créer de nouvelles formes de rencontres et de surprendre son audience.
Les événements physiques ont-ils encore un sens aujourd'hui ?
M.L-P. – C'est une très bonne question. Maintenant que l'on a goûté à la capacité d'échanger et de faire du networking online, on peut s'interroger sur la pertinence d'événements comme Vivatech ou Web Summit dans le contexte actuel. Il y a un confinement au sein même du lieu ! Des milliers de personnes se retrouvent confinées dans un lieu clos, avec un risque sanitaire élevé.Vivatech et Web Summit sont par ailleurs des événements dont le cœur du sujet est le digital. S'ils n'offrent aucune alternative aux nouvelles normes – c'est-à-dire la norme de la distance, du numérique, du « quand je veux, où je veux, comme je veux » –, ils risquent de passer à côté de l'air du temps. Dans ce sens-là, je suis d'accord avec vous.
D'un autre côté, et surtout si la pression sanitaire baisse, il y a une réelle envie d'avoir des moments d'échanges, peut-être en plus petit comité, plus exclusifs, à taille humaine. Je crois beaucoup à la possibilité d'organiser des rencontres rares, mais précieuses, dans des conditions sanitaires strictes, avec une sécurité maximale. Les moments n'en seront que plus privilégiés et appréciés.
En revanche, les événements massifs, « usines », je n'y crois plus du tout dans les conditions actuelles. Une situation qui pourrait durer jusqu'à l'été 2021. Il va y avoir un vrai problème pour organiser ces événements.