« Le soutien à l’écosystème de la communication et des médias est plus que nécessaire »
Depuis le début du confinement, les recettes publicitaires connaissent une chute vertigineuse. Afin d'aider les médias à sortir la tête de l'eau, Aurore Bergé, rapporteure du projet de loi sur l'audiovisuel, plaide pour la mise en place d'un crédit d'impôt sur les dépenses de communication. Bertrand Beaudichon, CEO d'Initiative, agence média du groupe IPG Mediabrands, et ancien président de l'Udecam, réagit à la proposition pour Story Jungle et évoque les nouvelles dynamiques d'un secteur ébranlé par une crise sans précédent.
La députée LREM des Yvelines Aurore Bergé plaide pour l'instauration d'un crédit d'impôt sur les dépenses de communication. Une mesure soutenue par tous les acteurs du secteur – l'Union des marques, l'Association des agences-conseils en communication (AACC) et l'Union des entreprises de conseil et achat média (Udecam). Quelle importance revêt ce dispositif ?
Bertrand Beaudichon – Toute mesure qui va dans le sens d'un soutien de l'écosystème de la communication et des médias est plus que nécessaire en ce moment. Notamment pour l'affichage, qui traverse une période extrêmement difficile. De nombreux acteurs du secteur souffrent significativement. Cette mesure permet de faciliter l'investissement dans le secteur de la communication. Secteur dont les budgets sont coupés généralement en premier, en temps de crise. En Italie, le gouvernement a publié un décret permettant aux annonceurs de bénéficier d'un crédit d'impôt de 30 % pour la période 2020-2022, concernant les investissements publicitaires dans les médias.
Si je trouve le système de crédit d'impôt intéressant, il existe d'autres mécaniques. Le problème de cette mesure est qu'il faut avoir nécessairement des impôts à payer. Or, la situation est telle que les annonceurs ne vont pas avoir beaucoup d'impôts à payer cette année, étant donné les pertes en cours. Peut-être qu'un système tout aussi efficace serait de considérer les investissements actuels des marques comme un actif. Exactement comme si les annonceurs achetaient une nouvelle usine et amortissaient ce coût sur plusieurs années. On soutiendrait ainsi les marques dans une projection à long terme, et non pas à court terme. Les marques pourraient amortir le coût des dépenses de communication et les porter au bilan de leur entreprise. Les marques vont mettre plusieurs années à se remettre de cette crise.
Selon une étude de Deloitte en 2017, 1 euro investi en publicité rapporte 7,85 euros de PIB, comme l'a rapporté Aurore Bergé. Cette mesure ne touche donc pas qu'un seul secteur ?
B. B. – Effectivement, on a toujours observé que la communication permet de booster le PIB en général. Si les marques continuent à communiquer et qu'elles ont des produits que les gens peuvent acheter, cela permet de contrer la récession dans laquelle le pays est en train de se plonger, de booster le PIB et de réduire l'impact de la crise sur l'économie française.Cette crise ne serait-elle pas l'occasion de repenser le modèle économique des médias, très dépendants de la publicité ?
B. B. – De nombreux titres de presse ont basculé dans un modèle semi-payant sur la version numérique. Un modèle qui commençait à prendre, et ce avant la crise. Ce que l'on constate aujourd'hui – pour avoir échangé avec certains grands médias nationaux – est que malgré la baisse de diffusion papier, les kiosques fermés, la version payante de leurs services a été très largement boostée par cette crise. Les lecteurs ont besoin d'être sûrs qu'ils ne lisent pas de fake news. On a constaté un regain depuis trois semaines des abonnements payants. La confiance dans ce qu'on lit est extrêmement forte. Il faut aussi considérer que la majorité des investissements partaient chez les Gafa. Ce qui ne contribue pas du tout à sauver l'écosystème média français.Je pense que cette crise va créer un usage de lecture numérique et d'abonnement pour un contenu de qualité. Les Français sont en train de changer leurs habitudes en ce moment. Les enfants reviennent à la consommation télé alors qu'ils l'avaient complètement abandonnée. Ces nouveaux réflexes – abonnements à des services de presse et consommation télé pour les plus jeunes – vont s'inscrire durablement dans les gènes. Les Français sont en recherche de confiance, en attente d'opinion face à un discours officiel gouvernemental peu clair. Regardez la communication autour des masques... Il y a une perte de confiance généralisée envers les pouvoirs publics et les Français ont besoin de reprendre confiance à travers une information anglée qui s'éloigne le plus possible du discours politique.