« Le milieu du podcast est désormais davantage dans une démarche d’entreprise que de start-up »
Le Paris Podcast Festival a pris fin ce dimanche 23 octobre, après quatre jours de rencontres. 300 intervenants, 80 événements : l'événement a été riche, réunissant plus de 8 000 visiteurs à la Gaîté Lyrique, à Paris. Nina Cohen, directrice du Paris Podcast Festival, fait le point sur cette cinquième édition, placée sous le signe de la « puissance de la douceur ». Interview.
Quel bilan dressez-vous de l'édition 2022 du festival ?
Le Paris Podcast a été un succès, avec plus de 8 000 visiteurs sur les quatre jours de rencontres (contre 6 500 en 2021). Pour la première journée, dédiée aux professionnels et en partenariat avec CB News, le festival a accueilli environ 2 200 personnes. Il était important pour nous de créer un événement où tous les professionnels se réunissent autour du podcast natif en France. Les annonceurs font partie intégrante de cette économie naissante. Les studios existent à travers leurs productions pour les marques. Celles-ci restent la source principale de revenus pour les studios de podcast aujourd'hui.Toutes les tables rondes et rencontres ont trouvé leur public, des séances grand public avec Bilal Hassani et Lena Situations jusqu'aux séances autour du podcast canadien. Nous avons veillé à proposer une programmation diverse pour montrer à quel point le milieu du podcast est riche et se démocratise.
«Dans un environnement anxiogène marqué par des crises politiques, sanitaires et écologiques, il est important de se concentrer sur la douceur, l'écoute de l'autre. Le podcast se présente comme le refuge idéal pour ses auditeurs»
Vous avez décidé de placer cette édition sous le thème de « la puissance de la douceur ». Après les révélations de Médiapart et de Télérama en 2021 sur les rudes conditions des travailleuses du podcast, le milieu se serait-il adouci ?
En soi, le podcast est le média de la douceur, par le biais de ses contenus intimistes et des séries au long cours. C'est un moyen de voir le monde autrement. Dans un environnement anxiogène marqué par des crises politiques, sanitaires et écologiques, il est important de se concentrer sur la douceur, l'écoute de l'autre. Le podcast se présente comme le refuge idéal pour ses auditeurs.En ce qui concerne l'écosystème, le festival a offert un espace de parole pour revenir sur cette question des conditions de travail. Une table ronde, animée par la journaliste Élise Racque, a ainsi été organisée vendredi avec Joël Ronez, coprésident et fondateur de Binge Audio, Circé Lienart, référente administrative et Finances du studio La Clameur, et la journaliste Sarah-Lou Lepers. Nous ne sommes pas dans une démarche polémique. Il s'agit d'offrir des solutions, de permettre la discussion. Est-ce qu'il y a plus de douceur dans le management des équipes de podcast ? Je ne sais pas. Je pense que cela se structure, que nous allons dans le bon sens. Le milieu du podcast est désormais davantage dans une démarche d'entreprise que de start-up. C'est à travers cette structuration, les aides supplémentaires de l'État et des sociétés d'auteurs que les conditions de travail vont pouvoir s'améliorer.
Le secteur se mobilise ainsi pour la création d'un mini-CNC sonore. L'industrie du podcast restant la seule industrie culturelle sans aide à la création ni crédit d'impôt...
L'année dernière, le ministère de la Culture a ouvert un dispositif d'aide aux auteurs de podcasts. En 2022, 500 000 euros ont été distribués à une centaine de projets sélectionnés par le ministère. Le festival aussi fait un geste pour les auteurs de podcast. Le Paris Podcast Festival a ainsi récompensé neuf lauréats et lauréates qui ont reçu chacun et chacune 3 000 euros.D'après le baromètre Havas-Paris/CSA, commandé par le festival, 32 % des personnes sondées se déclarent auditeurs de podcasts, contre 33 % l'année dernière. Est-ce que pour vous l'année 2022 est celle de la stabilisation de l'écoute du podcast ?
Exactement. L'année dernière, un tiers des Français écoutait du podcast natif. C'était une pratique d'écoute solitaire durant la crise sanitaire. Aujourd'hui, le CSA pointe le fait que les Français ont désormais plus envie d'être à l'extérieur. Cela peut être un facteur qui explique cette stabilisation. Je ne perçois pas cette stabilisation comme une stagnation, mais comme la structuration d'un média émergent. Un des autres enseignements de l'étude montre que les adeptes du podcast en écoutent de plus en plus. 69 % des auditeurs et des auditrices hebdomadaires déclarent avoir augmenté leur consommation de podcasts natifs.Il y a également un enjeu d'élargissement de la cible. Le profil type du podcast natif reste de niche : urbain, jeune, hyper connecté sur les réseaux sociaux et grand consommateur de médias. Il faudrait chercher les ados-jeunes adultes et les seniors.
L'étude montre que la publicité lue par le présentateur est acceptée par une bonne partie des auditeurs (41 %). Les journalistes se font alors les porte-parole des marques. Quel regard portez-vous sur cette pratique ?
Ce qui peut être intéressant est l'angle choisi de la publicité, qui peut être en adéquation éditoriale avec le contenu du podcast. Lauren Bastide va ainsi veiller en début du podcast à présenter une marque, en lien avec son contenu, dans « Intime et Politique » sur Nouvelles Écoutes par exemple.Il faut cependant aussi veiller au bad buzz. Louie Media, qui porte une vision progressiste du monde, avait ainsi suscité la colère de nombreux internautes en s'associant à Volvo. Il y a équilibre ténu à avoir. Face à un public vigilant, les partenariats doivent se faire en bonne intelligence.

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