« Le podcast permet une prise de parole où chacun devient son propre média »
Ancienne de Radio France, où elle était en charge des innovations ouvertes à la direction numérique, Carine Fillot est désormais aux commandes d'Elson, une plateforme payante d'écoute et de recommandation de podcasts : un projet pensé en 2017 qui a remporté le prestigieux prix Next-Journalism CFJ Audiens*. L'objectif ? Dénicher les pépites incontournables et offrir « une expérience à la Netflix ». Elle nous explique le concept, les enjeux qui entourent le podcast et son système économique.
Que peut-on trouver sur votre plateforme ? Quel est le fonctionnement d'Elson ?
Carine Fillot : Nous sommes partis d'un constat très simple : les contenus de podcasts sont multi-distribués mais, en général, mal-classifiés et mal recommandés. Les agrégateurs de podcasts comme Apple ou Spotify proposent des énormes catalogues avec des classifications standardisées. La visibilité existe donc mais elle est faussée. Ceux qui ont le bon contact, le bon visuel sont plus facilement mis en avant. Exister face aux auditeurs s'apparente dès lors, à une véritable course à l'échalote. Notre plateforme propose, grâce à l'usage des écoutes, une expérience personnalisée et diversifiée. C'est-à-dire un mélange de podcasts natifs et de podcasts replay d'émissions hertziennes. On mise donc sur la curation en sélectionnant un catalogue non exhaustif de podcasts et nous en faisons des playlists thématiques. On peut écouter aussi bien des épisodes de Radio Nova, d'ARTE Radio, de France Culture, que de Nouvelles Ecoutes, de Binge Audio ou encore d'un producteur indépendant qui vient de se lancer. Nous voulons atteindre un public qui n'écoute habituellement pas de podcasts, qui souhaite se faciliter la vie et ne pas perdre de temps devant cette multitude de choix.
Comment entreprendre la construction d'un média de podcast ? Quels sont vos conseils ?
C.F. : Même si je viens de l'éditorial et du service public, j'appréhende la construction d'un média et d'une audience avec des outils marketing. Ils sont une aide supplémentaire pour comprendre les attentes du public et pour saisir ses réactions. C'est un outil de pilotage qui permet d'améliorer les productions éditoriales, notamment la curation dans le cas d'Elson. Les newsletters sont particulièrement utiles dans un projet comme le mien. Là où tout passe sur les fils d'actualité des réseaux sociaux, la newsletter est directe et pérenne dans la boîte de son destinataire. C'est une prise de parole actée et non une simple remontée automatique des contenus. Aujourd'hui, de nombreux médias proposent leurs newsletters en version personnalisée dont de l'A/B Testing. C'est-à-dire le fait de proposer plusieurs versions à des internautes et utiliser ensuite celle qui a été la plus efficace. Quand un média se lance, il faut qu'il ait en tête son audience, savoir à qui il s'adresse. C'est impossible de maintenir un média en vie seulement en produisant du contenu : cette donnée est très importante. Le storytelling est primordial pour susciter l'envie, non seulement chez les auditeurs mais aussi chez les marques ...En effet, pour qu'un média de podcasts puisse fonctionner, une des solutions consiste à s'adresser à des marques. Comment celles-ci s'emparent-elles de ce format ?
C.F. : Mal ... (rires) Je trouve en effet qu'il est plus facile de s'adresser à des acteurs publics et des institutionnels qu'à des marques très établies qui peuvent avoir un fort pouvoir de contrôle. Ces dernières sont habituées à travailler avec des agences, des intermédiaires. Avec les podcasts, on se coupe des intermédiaires. Pour l'instant, les marques voient le podcast comme un phénomène. Elles s'interrogent et tentent de comprendre son écosystème complexe. Un des écueils possibles est la perte d'authenticité, si le contenu fait trop pub. Or l'authenticité est un des traits fondamentaux de l'audio. On est au début des productions de contenus audio par les marques. À l'image du podcast, on souhaite se diriger vers plus de diversité en terme de propositions et de narrations.
Dans le milieu du podcast, il y a peu de publicité à proprement parler. C'est ce qui fait d'ailleurs son succès. Mais le positionnement des marques comme sponsors / mécènes est une forme de publicité. Mais elle n'est ni directe, ni intempestive. Une grosse audience, valorisée avec la publicité, est un modèle qui peut aussi fonctionner. Les "studios de podcasts" eux, se lancent sur la production pour des tiers, comme une prestation de services.
Quel est le principal frein du développement du podcast en France ? Pourquoi une telle différence avec les Etats-Unis où le marché est florissant ? À Slate version US, les podcasts rapportent 25% de leurs revenus.
C.F. : Il n'y a pas de freins.
* http://www.nextjournalism.eu/en/

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