« Le contenu est roi »
Vous êtes influenceuse, spécialiste des médias sociaux et de l'intelligence artificielle, experte en branding : qu'est-ce qui vous a incité à vous diriger vers le digital et les réseaux sociaux ?
Alice Vachet : Je préfère le terme « influente » à celui d'influenceuse. Je ne monétise pas mon influence. Je m'en sers pour porter des messages, trouver des clients, faire des partenariats. Je n'ai jamais cherché à être influente non plus. Je me suis juste amusée avec les réseaux sociaux, et en ai compris assez tôt le fonctionnement. C'est d'ailleurs mon métier de base. J'ai enseigné le branding et la maîtrise des réseaux sociaux, à l'ENA et à Sciences Po Paris, c'est-à-dire le fait d'utiliser à bon escient ces outils pour se démarquer en tant qu'entreprise, mais aussi en tant que personne. Avant, on parlait de branding pour les marques. Aujourd'hui, la tendance est au personal branding. On est nous-mêmes notre propre produit. Il est nécessaire d'avoir une certaine notoriété, du moins une présence digitale en adéquation avec nos objectifs. Avoir une empreinte numérique cohérente est important. Aussi bien sur LinkedIn, Instagram que sur Twitter, réseau qui m'a fait connaître, sur lequel je me suis le plus démarquée. Je me suis toujours laissé porter, je n'ai jamais eu de schéma préétabli. Il ne faut pas avoir peur de s'écouter et de suivre son instinct. Si nous assumons pleinement nos choix, ils fonctionnent. L'audace n'a jamais desservi personne, sauf quand elle est malveillante.«Aujourd'hui, la tendance est au personal branding. On est nous-mêmes notre propre produit.»
Depuis quand le personal branding est-il devenu un impératif pour les marques ?
A.V. : On a vu apparaître cette tendance ces quatre dernières années et celle-ci est devenue incontournable depuis deux ans. Michel et Augustin sont assez représentatifs : leur communication s'est d'abord articulée autour de petits bonshommes pour humaniser la marque. Il y avait déjà cette idée de personnalisation. Les consommateurs ont besoin de s'adresser directement aux marques, sans que celles-ci paraissent être des entités froides et lointaines. Les ambassadeurs deviennent indispensables. Guillaume Gibault, entrepreneur à succès, a su incarner le Slip français sur les réseaux sociaux à travers son image de patron, et ainsi participer à la notoriété de la marque. Aujourd'hui, un grand patron, même s'il n'a aucune envie de se mettre en avant, doit être présent sur les réseaux sociaux. Quitte à s'entourer de community managers. Souvent les marques ne se rendent pas compte de l'impact du community management, qui est un métier mal pris en compte, rémunéré chichement, alors qu'il a toute son importance dans une entreprise. Les consommateurs doivent avoir l'impression d'une forme de transparence et d'accessibilité.«Plus une marque aura du contenu, plus les gens iront vers elle.»
LinkedIn est la plateforme la plus plébiscitée dans le secteur du B2B, dans une stratégie de social selling. Qu'en est-il d'Instagram ?
A.V. : Cela ne m'étonne absolument pas. Quand on est entre marques, LinkedIn est le réseau le plus simple. Instagram peut également servir la vente. Il suffit d'un peu d'audace et de créativité. Plus une marque aura du contenu, plus les gens iront vers elle. L'inbound marketing fonctionne de cette manière. Si tu as du temps à allouer à tous les réseaux, n'hésite pas une seconde. Consacres-en même à TikTok, si tu as une idée concrète de ta cible sur ce réseau social et du message que tu souhaites véhiculer. Ce dernier est encore déserté par les marques, que ce soit B2C ou B2B. Il faut adapter ses contenus aux réseaux sociaux. On ne va pas plaquer sa communication de Twitter ou de LinkedIn sur Instagram : il faut innover, en produisant un contenu différent. Souvent, les gens ne comprennent pas que chaque plateforme sociale a ses spécificités et ses codes, et qu'ils doivent les intégrer, afin de délivrer les messages de façon pertinente.Quels types de contenus privilégier ?
A.V. : Cela dépend de la cible. Il n'y a pas de « best practices », des annonces de com mainstream. On peut être tout à fait créatif pour vendre un produit, il ne faut pas avoir peur, au contraire.Il faut remettre le client au centre. Le faire parler. C'est bien perçu lorsqu'une tierce personne parle de la marque. Il est toujours utile de penser aux interviews, aux témoignages, pourquoi pas aux influenceurs quand ils sont bien choisis. Cela peut être des journalistes, des sportifs.
Le contenu est roi. C'est la base de tout. Il vaut mieux avoir trop de contenus et ne pas tout utiliser que ne pas en avoir assez. On ne sera jamais en rade de contenus.
Quelles tendances avez-vous perçues durant cette crise du Covid-19 ?
A.V. : Une recrudescence des réseaux sociaux, évidemment. Beaucoup se sont mis aux lives, aux stories, alors qu'ils ne communiquaient pas d'habitude. Quant aux marques, elles se sont engagées. Elles ont remis l'humain au centre de leur communication. J'espère que cela va durer. Il faut vraiment s'adresser au client. Un message doit être incarné. Il doit y avoir cette impression de dialogue entre deux êtres humains. De la même manière, les chatbots ont particulièrement bien fonctionné.Aujourd'hui, tout se joue sur la transparence. Ce n'est pas grave d'avoir des failles. Personne n'est parfait. Le client n'est pas dupe. Le business est devenu humain. Il faut bien définir son ADN de marque au tout début, l'incarner dans sa communication globale, rester fidèle à ses valeurs, savoir se remettre en question, faire évoluer son offre et savoir s'adapter à la société et à la demande. Pour moi, les études sur les tendances appartiennent au passé. C'est du lobby. Ce qu'il faut faire, c'est du test and learn et ne pas avoir peur de l'échec et des petites boulettes.
Depuis un an et quelque, vous avez lancé L'Empreinte, un podcast qui donne la parole à des marques engagées. Pouvez-vous nous en dire plus ?
A.V. : Il s'agit d'échanger avec les différents acteurs de l'univers de la RSE, PDG de grands groupes, startuppers, directeurs de la RSE sur la dynamique des responsabilités sociales et environnementales. Avec près de 200 000 écoutes par mois, on essaie de rester sélectif quant au choix de nos invités. Lorsque je réalise les émissions, je n'ai jamais de fiches. Je prépare bien sûr en amont en écoutant des interviews. L'important est de conserver une certaine authenticité dans les échanges. Il ne faut pas avoir peur d'être sympa. Il n'y a rien de plus respectueux que de sourire et de faire passer un bon moment à son interlocuteur, et de ce fait à l'auditeur. On donne l'impression qu'on prend un café ensemble. C'est cet aspect-là qui aide au succès du podcast.Le podcast est encore trop peu utilisé par les marques B2B. C'est un format qui monte en puissance. Quand on voit les tendances américaines, je n'ai aucune crainte sur l'avenir du format audio. Le podcast, c'est le Netflix de l'audio.