“La qualité du contenu est source de différenciation sur le long terme”
Aujourd'hui, 37,4% des décideurs du B2B ont déjà acheté un produit ou un service après avoir pris connaissance d'un contenu sur les réseaux sociaux. Dans deux cas sur trois, la personne n'était pas en contact avec l'entreprise avant de découvrir ce contenu. C'est un des enseignements qui ressort de la 3e édition du Baromètre Social Selling, publiée début juillet. Cette étude a été menée par La Poste Solutions Business et UserLab de l'agence Intuiti, auprès de 650 professionnels du B2B français, en février et en avril 2020.
Story Jungle a échangé sur l'importance du social selling, à l'ère du digital, avec l'un des participants au Baromètre : Franck Chenet, Group Digital Transformation
«75% des acheteurs du B2B consultent les réseaux sociaux et les sites internet avant même d'avoir un premier contact physique avec la personne ou la marque.»
« La donne a changé ces dernières années, on a vu l'apparition des forces de vente sur ces réseaux et la prise de conscience, par les marques, qu'elles avaient là un formidable terrain de jeu pour capter l'attention des décideurs, à travers notamment des contenus ciblés », a déclaré à « CB News » Myriam Nessali, directrice du Lab Innovation de La Poste Solutions Business. Selon vous, l'impact des réseaux sociaux sur l'acte d'achat est-il de plus en plus fort ?
Franck Chenet : En amont, il faut bien définir ce que l'on désigne par réseaux sociaux. Chez Antalis, il s'agit d'un triptyque. Notre stratégie se focalise d'abord sur des campagnes autour de la marque, des produits, des conseils, etc. Le deuxième élément consiste en un programme ambassadeur, où l'on fait appel à des collaborateurs, qu'ils soient au service marketing, au commercial, chefs de marché, aux RH. Car ils possèdent tous un réseau. Enfin, la troisième partie du triptyque concerne la licence Sales Navigator (LinkedIn), au sein d'un programme de social selling. Forte de ces trois éléments, notre stratégie sur les réseaux sociaux impacte l'acte d'achat si elle est pensée comme un investissement à des fins de génération de business. Les contenus doivent être ciblés et contextualisés. Il ne s'agit plus seulement de faire acte de présence.Si l'on se réfère aux chiffres classiques, 75% des acheteurs du B2B consultent les réseaux sociaux et les sites internet avant même d'avoir un premier contact physique avec la personne ou la marque. Le social media marketing permet davantage d'agilité, de personnalisation, de contextualisation : il nous permet d'être encore plus adaptés aux besoins du business. Avant, la personnalisation se résumait à nommer quelqu'un dans une newsletter. Les informations collectées aujourd'hui nous donnent la possibilité de communiquer plus précisément avec nos cibles. Les réseaux sociaux contribuent à l'acte d'achat puisqu'ils agissent comme un boost dans la relation, avant même que celle-ci n'ait lieu.
Considérez-vous que le social selling est un levier indispensable ?
F. C. : C'est une question de visibilité 360 degrés de la marque. Faire du social selling apporte une vraie valeur ajoutée. Si aujourd'hui vous ne trouvez pas une entreprise sur les réseaux sociaux ou sur la Toile, votre premier réflexe sera de questionner la légitimité de l'entreprise comme fournisseur de confiance. Le secteur du B2B n'a pas le même taux d'engagement sur les réseaux sociaux que le secteur du B2C, avec ses nombreux avis et ses retours de clients.Les articles et les vidéos sont les formats qui génèrent le plus de ventes, selon le Baromètre Social Selling. Quels types de contenus de marque privilégiez-vous ?
F. C. : Ces formats ne sont pas nouveaux. Ce qui l'est, c'est la diversité et la palette des formats que l'on utilise. Nous construisons notre stratégie depuis un an et demi. Pour embarquer nos collaborateurs dans cette démarche, il a été décidé d'y aller par étapes, dans une optique rassurante. Il ne s'agit pas de faire une vidéo digne d'une grande production hollywoodienne. Traditionnellement, nos posts sont assez classiques – texte et image – avec quelques vidéos. Demain, il y aura davantage de livres blancs, des infographies, des témoignages clients.Il est vrai que le marché de la vidéo y compris en B2B s'est beaucoup démocratisé. Le coût pour réaliser un clip n'a rien à avoir avec le coût d'il y a cinq ans. Il a baissé énormément. Si je me réfère à des études qui circulent, en 2021, 50% des recherches sur Internet obtiendront des résultats sous forme d'animations, de graphismes (vidéos, infographies, tutos). Les annonceurs doivent s'adapter au comportement des personae. Les gens lisent beaucoup moins. Les vidéos sont de plus en plus courtes et nombreuses. Dans notre secteur, montrer en accéléré dans un clip vidéo comment relooker la salle de bains d'un hôtel est plus percutant que de mettre deux images avant/après.
«Un influenceur dans le B2B, ce n'est pas Lady Gaga.»
LinkedIn reste le canal principal dans le secteur du B2B. 84% des décideurs du B2B l'utilisent dans le cadre de leur activité professionnelle. Qu'en est-il de Facebook ? Selon l'étude, 41% des sondés estiment que Facebook est un gros vecteur de contenus menant à l'achat.
F. C. : Facebook essaie de raccrocher les wagons par rapport à LinkedIn quant à son positionnement sur le B2B. Mais, sur Facebook, la gestion de campagne ne se fait pas avec la même agilité, le ciblage non plus, il n'est pas aussi affiné. LinkedIn a une vraie longueur d'avance grâce à LinkedIn Sales Navigator.
Pour nous, Facebook représente une source de trafic. On a tendance à privilégier LinkedIn à cause de notre avancée dans le programme de social selling. Ce positionnement se fait en fonction de la maturité digitale d'une entreprise. Il est important de dire qu'il y a une progression. Quand on fait face à des grandes marques du B2C, on a l'impression que celles-ci sont nées avec le digital. Et même si on y réfléchit, on ne se rappelle plus quand tout a commencé.
Aujourd'hui, en 2020, chez nous, on ne parle pas encore d'influenceurs. Alors qu'il en existe. Mais un influenceur dans le B2B, ce n'est pas Lady Gaga. Il faut le chercher différemment, réfléchir en amont à ce que l'on veut en tirer. Les influenceurs dans notre secteur ne se définissent pas en tant que tels, mais plutôt comme des professionnels, des experts de leur métier. Ils ne sont pas positionnés comme des influenceurs potentiels. Faire appel à un influenceur demande une maturité. Le travail préliminaire est à construire.
«Sur 39 pays que nous couvrons, seulement trois ont activé un programme pilote autour de LinkedIN Sales Navigator. »
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui veulent se lancer dans le social selling ?
F. C. : J'aurais voulu que nous mettions en place la stratégie plus tôt. Mais je pense que c'est un vœu pieux puisque nous n'aurions pas été prêts. L'importance du timing, de l'accompagnement, est très importante. Sur 39 pays que nous couvrons, seulement trois ont activé un programme pilote autour de LinkedIN Sales Navigator. Je conseille aux équipes d'y aller progressivement, sinon les collaborateurs se perdent en chemin. Ce sont des sujets qui restent très nouveaux. La licence Sales Navigator est dédiée à des personnes très motivées, plutôt passionnées par les réseaux sociaux, et qui en captent la logique.Inutile de dire qu'il ne faut pas faire du contenu pour en faire. Si on n'est pas crédible sur un contenu, le visiteur ne reviendra pas. Il ne faut pas sous-estimer la courbe d'apprentissage de nos collaborateurs et de nos ambassadeurs. Il est nécessaire de veiller à la fréquence de publication et à ne pas surconsommer le temps des personnes ciblées. Elles ont une bande passante limitée. Il faut être respectueux de leur temps, de leur base de connaissances et leur apporter de la valeur ajoutée.
Avant d'aller chercher des influenceurs externes, j'aimerais d'abord faire reconnaître Antalis comme un influenceur auprès des prospects et des clients. Il faut parvenir à être nous-mêmes une référence, avant de nous éparpiller sur d'autres sites référents, dans des partenariats, la curation de contenus.
Seulement 40% des décideurs du B2B apprécient la qualité des contenus. Une tendance qui stagne depuis trois ans. Il y a un véritable combat à mener ?
F. C. : Ce n'est pas étonnant que le pourcentage soit assez faible parce que les gens saturent, à force d'être sollicités par les réseaux sociaux, les newsletters, les sites internet, le offline [le print], les campagnes téléphoniques. Il doit y avoir un « wake up call » de l'industrie du marketing pour produire moins mais de meilleure qualité.
Nous nous retrouvons face à une problématique interne inédite que nous n'avions pas il y a deux ans. Afin d'élaborer un livre blanc, nous avions choisi une agence de contenus premium. Ce n'était pas suffisant. Nous avons tiré notre épingle du jeu en recrutant en freelance une journaliste professionnelle, spécialisée dans le monde de l'emballage. La réalité, c'est qu'il faut avoir cette fibre. Savoir écrire n'est plus suffisant. Il faut être pertinent par rapport à la cible à laquelle on s'adresse. Ne pas se contenter des traditionnelles tartes à la crème, du déjà-vu, puisque, à la fin, ces contenus renvoient une image qui n'est pas crédible.
Nos cibles B2B ont une exigence vis-à-vis de nos contenus plus élevée qu'avant. Notre ligne éditoriale doit prévoir des articles pointus, qui donnent de la crédibilité à notre positionnement sur le marché, mais également adopter une approche généraliste, qui montre que nous avons bien compris les besoins transverses de la majorité de nos clients. Il faut vraiment jauger le niveau du client et être à l'écoute du marché.
C'est la qualité du contenu qui va être source de différenciation sur le long terme, Les futurs marketers des entreprises devront sans doute sortir des écoles de journalisme. On va avoir recours à des personnes aux profils de journalistes plutôt qu'à des marketers traditionnels afin de mieux maîtriser le contenu éditorial et apporter cohérence entre détection d'un besoin et la réponse qu'Antalis y apporte !