Comment apporter davantage de valeur que la valeur d'écoute ?
Directeur de la communication digitale et innovation d'EDF et administrateur du Club des annonceurs, Hubert Blanquefort d'Anglards s'est prêté au jeu de l'interview avec Story Jungle. Il revient avec nous sur cette période particulière du confinement, marquée par la digitalisation des événements et la volonté des marques de se mettre en retrait, face à une situation sanitaire critique.
« Que ce soit du gaming, des keynotes, l'enjeu est le même : comment apporter davantage de valeur que la seule valeur d'écoute ?»
Le secteur de l'événementiel est en crise et se réinvente avec la digitalisation des évènements. Durant le confinement, vous avez assisté au Laval Virtual World, du 22 au 24 avril, créé pour virtualiser la dernière édition du salon dédié à la réalité virtuelle. Quel est votre retour sur cette expérience ?
Je salue l'exercice. C'est une prouesse d'avoir transformé l'événement de façon aussi rapide. Les organisateurs ont repensé l'expérience en un mois. La question qui se pose est comment conserver les ingrédients d'un événement physique et les transformer en événement 100% digital. Quel est le bon niveau de couche expérientielle à créer avant que les visiteurs accèdent à des contenus ? C'est là que se niche la difficulté. Lorsqu'il existe des barrières technologiques, cela prend forcément le pas sur le contenu. Pour pouvoir assister aux conférences, il était nécessaire de télécharger un logiciel qui rendait réellement possible la visite virtuelle, sous forme de Second Life [un monde virtuel fictif en 3D dans lequel les utilisateurs peuvent se déplacer sous forme d'avatars et interagir avec une communauté].Dans le même esprit, We Love Green, dont l'édition physique a été annulée, a proposé du 3 au 7 juin dernier aux festivaliers de se promener sur une carte interactive du bois de Vincennes (où le festival a lieu généralement). Ce n'était pas inintéressant. Je pense également à la WorldWide Developers Conference – la conférence des développeurs d'Apple – qui a proposé fin juin une keynote 100% virtuelle, pour présenter les nouveautés d'iOS. L'ensemble ayant lieu dans l'Apple Park, ce qui constitue forcément un écrin de choix. Que ce soit du gaming, des keynotes, l'enjeu est le même : comment apporter davantage de valeur que la seule valeur d'écoute ?
«Fondamentalement, les grands événements reposent sur un modèle traditionnel : l'exposition et le contact direct, le contact « vivant »
L'avenir de l'événementiel : des événements hybrides ?
J'ai presque envie de dire qu'on en faisait déjà. Proposer en streaming une partie d'un événement – une présentation, une vidéo – pour chercher davantage de reach. L'hybridation se construisait déjà, à l'image de ce que fait le festival C2 Montréal, dédié aux affaires et à la créativité. Une partie des conférences étaient ainsi retransmises en direct. Je crois au format hybride à une condition : il faut mener une réflexion par rapport aux cibles auxquelles on souhaite s'adresser. Quels sont les contenus que je leur délivre ? Quelles exclusivités pour certaines cibles ?Par ailleurs, l'expérience digitale ne peut pas se substituer aux événements physiques. Je ne crois pas à une transformation où l'ensemble des événements deviendrait 100% digital. Il faut voir la digitalisation comme une opportunité pour aller chercher des gens qui n'auraient pas pu se déplacer d'ordinaire. Fondamentalement, les grands événements reposent sur un modèle traditionnel : l'exposition et le contact direct, le contact « vivant »
Quelles tendances avez-vous vu émerger pendant cette période particulière ?
L'interaction. On a vu l'importance d'interagir, de poser des questions, d'échanger que ce soit avec des experts, des partenaires, des prospects. Cette interaction ne pourra pas, dans l'immédiat, se pratiquer uniquement par le digital. Cela me paraît compliqué de demander à quelqu'un de passer trois heures, un casque sur la tête, à se confronter à des gens ou à des expériences de contenus.Dans un type de communication plus traditionnel, EDF a lancé avec Europe 1, le 22 juin, « Avant.Demain », un podcast sur le thème de l'innovation. Quelle est la place de ce format très plébiscité dans votre stratégie de contenus ?
Dès Viva Technology 2019, nous avons lancé une série de podcasts autour de l'innovation, avec l'intervention de plusieurs start uppers, qui racontaient chacun leur histoire. Avec le podcast, la dimension émotionnelle prend une large place. Avec la série « L'idée qui change tout », nous avons donné la parole à des entrepreneurs, qui « vibrent à l'idée d'inventer le monde de demain ».Dans une autre logique, nous avons produit une deuxième série de podcasts appelée « Ça change tout », qui aborde les enjeux de la transition énergétique et écologique. Il s'agit vraiment de journalisme, avec l'intervention de « sommités ». On est sur des débats de société. L'idée est d'assister à des débats de personnalités qui répondent aux grandes questions de transformations de nos sociétés liées à nos domaines. On est sur des logiques plus projectives.
Le podcast est important dans le sens qu'il est un rendez-vous média. Il faut être vigilant quant à la qualité du produit fini, à celle de l'enregistrement, des intervenants et du contenu. Si la qualité n'est pas là, vous allez avoir du mal à trouver des gens qui vont vous écouter. Il faut installer un ton, être capable de tenir sur la durée. Le podcast, surtout celui d'une marque, est un format qui s'installe dans le temps, puisque les gens ne s'y intéressent pas forcément d'emblée. Les marques doivent avant tout proposer des contenus que le public ne trouverait pas ailleurs et se mettre en retrait, pour pouvoir fidéliser et agréger une audience.