Les marques refont leur déco !
Il n'y a pas que les YouTubeurs qui se modernisent. À leur tour, les grandes marques s'y mettent. Fini, les studios de production standardisés à l'aspect cheap et artisanal, place à la personnalisation et à la créativité. Les marques s'équipent, entre autres, en studios vidéo pour accélérer leur stratégie de contenus. Dans un contexte d'hyper concurrence pour gagner l'attention des consommateurs sur les timelines des réseaux sociaux, l'heure est à la montée en qualité et en budget.
Une démarche évidente pour les marques média

Il faut dire que l'équipe a fait appel à des références dans le milieu pour l'installation du dispositif : Gozulting, une société de production de référence en termes de productions Twitch bien léchées, et une décoratrice spécialisée... dans le cinéma et la publicité. « Monter un studio est un travail colossal. Il y a eu tout un travail sur la lumière, le dispositif le plus coûteux dans ce genre d'installations », explique à Story Jungle Julien Potié, chief of staff et « bras droit d'Hugo en matière de développement de la stratégie », soucieux d'apporter un cadre de qualité aux invités et à une audience attentive.
Les marques B2B emboîtent le pas : l'exemple du studio de Bpifrance

D'où la création d'un studio « ultra professionnel, ultra connecté, qui nous permet de valoriser nos actions au quotidien », partage le directeur. « Créer un studio interne, c'est gagner à la fois en productivité et en agilité », assure-t-il. Cette initiative répond à des usages divers, aussi bien pour l'interne que pour Big média, le « média des entrepreneurs avec un ton cash et des contenus 100 % originaux » lancé par BPI fin novembre 2021.
Le studio vit donc au rythme d'une vraie grille de programmes, avec différentes émissions telles que Confidences pour Confidences – qui donne la parole aux entrepreneurs qui ont « osé entreprendre leur vie ».

Ils ne sont pas les seuls à vouloir rafraîchir les décors. Chez le groupe de communication Köm, on s'active aussi pour moderniser la production vidéo. Début 2022, Köm Media, le média de l'agence, annonçait sur LinkedIn l'inauguration d'un studio – lumières tamisées, esprit loft, murs en brique, canapés, lasers : « Notre décor peut avoir des similitudes avec l'environnement Twitch ou bien même YouTube, mais l'objectif n'est pas là, explique Sam Mendousse, Social Media Manager chez Köm Media, nous voulons créer de la profondeur dans le cadre de nos interviews, tout simplement pour casser les codes traditionnels des interviews face caméra avec un fond uni coloré sur les réseaux sociaux. »
Le but est de donner aux interviews un rendu visuel travaillé, qui séduira l'audience B2B : « La qualité de la production joue un rôle important dans l'expérience vécue par l'internaute lorsqu'il visionne la vidéo. En plus d'apporter de la crédibilité et de la force au propos, elle vient dépoussiérer l'image institutionnelle des vidéos d'entreprise », conclut-il. Les réalisations liées au business et à l'entrepreneuriat ne doivent pas seulement séduire par le fond, mais aussi par la forme.

Une tendance de fond
Même si de nombreuses entreprises misent encore sur la simplicité du dispositif – c'est-à-dire afficher seulement du print, des affiches publicitaires dans le fond du studio –, il y a aujourd'hui « une réelle demande de soin pour le décor », assure Simon Ferrari, architecte d'intérieur et créateur de décors pour YouTubeurs et entreprises. Depuis la crise, cette montée en gamme dans les studios s'impose comme un mouvement de fond : « Il y a eu une prise de conscience au niveau des entreprises et des influenceurs au sujet du fort pouvoir d'influence des studios. Avoir quelque chose de qualitatif en vidéo est important, mais pour mettre en valeur cette qualité, il faut un background », souligne celui qui a travaillé sur les décors de l'émission du streamer Domingo.« Filmer quelqu'un sur un fond blanc alors qu'on pèse des milliards, ce n'est pas représentatif d'une société. Imaginer Bouygues Telecom qui fait une petite vidéo sur un nouveau téléphone dans un placard à balais, poursuit-il. Dans les films de cinéma, le décor est hyper important, même si c'est sur fond vert. En postproduction, il y a quelque chose. Une ambiance. »

Pour l'architecte, la crise pousse à imaginer de nouveaux standards. Lassé par la vision de décors en carton-pâte sans originalité, dupliqués à l'infini, l'internaute veut désormais de la nouveauté, de la beauté, de la créativité : « Beaucoup de gens en avaient marre de voir leur chez-soi, en regardant les vidéos. Sur YouTube, par exemple, les trois quarts du YouTube mondial, c'est toujours la même chose : les étagères Kallax de chez Ikea, les figures pop et un néon, puis basta. On cherche désormais la créativité, la nouveauté, même chez les entreprises », explique-t-il.
Vers un cadre moins formel ?
Si les marques sont prêtes à investir dans des studios, elles laissent également plus de liberté à ceux qui fabriquent les contenus, les réalisateurs. C'est en tout cas le point de vue du YouTubeur Charles Schiele, habitué à travailler pour les entreprises : « Les marques, aujourd'hui, cherchent la qualité. C'est une très bonne chose qu'elles comprennent encore plus cette notion de liberté à laisser aux créateurs. Cela permet aussi de faire mieux passer les messages auprès des gens qui regardent, car le rendu est plus agréable », soutient-il.Cette confiance garantit une plus grande originalité, tout en restant haut de gamme. Charles Schiele a ainsi réalisé un spot de pub pour MSI, avec une « carte blanche complète ». Mais il reste du chemin à parcourir avant que la liberté de création devienne la norme, là où bon nombre de marques restent endiguées dans des processus complexes, qui les empêchent de sortir de leur carcan.
Pourtant, la souplesse de la direction artistique est intrinsèquement liée à la liberté de ton lors des échanges. Julien Potié, producteur chez MashUp, partage la conviction de Jean Massiet qui dit « qu'il n'y a rien de tel que le fauteuil et le canapé » pour délier les langues (dénouer les cravates) et éviter ainsi un aspect trop convenu. « Son parti pris était de faire venir des parlementaires et de les installer sur le canapé. Il s'agit d'une stratégie pour les sortir de leur rôle très formel, explique-t-il. Ils arrivent très droits, et progressivement s'avachissent et montrent une facette d'eux-mêmes inédite. »
En tout cas, à Story Jungle, nous aussi on a pris la vague. On aura bientôt nos invités avachis dans nos canapés. On vous en reparle très vite.