Médias : les bouées de sauvetage pour 2023
Comme chaque année, le Reuters Institute déroule les tendances à venir pour l'industrie des médias. S'appuyant sur le témoignage de 303 acteurs – rédacteurs en chef, directeurs généraux, responsables du numérique et de l'innovation – de 53 pays, l'étude s'interroge sur la viabilité des médias, dans un contexte plus qu'incertain : inflation galopante, lassitude des lecteurs face à une couverture médiatique anxiogène, désintérêt des plateformes sociales pour l'actu, retrait des annonceurs, hausse du coût du papier.
Miser sur TikTok
Les réseaux sociaux dits de « première génération » sont à la traîne. Facebook et Twitter ont du mal à conserver leur public : les personnes âgées se lassent et les jeunes utilisateurs migrent vers de nouveaux réseaux comme TikTok. Les éditeurs projettent d'accorder moins d'importance à Facebook (-30 points), et à Twitter (-28). Ils s'investiront davantage sur TikTok (+63), Instagram (+50) et YouTube (+47). « L'intérêt accru pour TikTok reflète le désir de s'engager auprès des moins de 25 ans et d'expérimenter la narration vidéo verticale », observe le rapport.Investir dans les podcasts et les newsletters
En 2023, les éditeurs vont investir davantage dans les podcasts et l'audio numérique (72%) ainsi que les newsletters (69%) : deux canaux qui ont prouvé leur efficacité pour accroître la fidélité aux médias. Les investissements prévus pour les formats vidéo numérique (67%) sont également en hausse par rapport à l'année dernière, en raison de la croissance explosive de TikTok. L'intérêt est bien moindre pour le métavers et les assistants vocaux. Devant l'imprévisibilité des réseaux sociaux, les éditeurs voient dans les podcasts et les newsletters le « meilleur moyen pour établir un lien plus profond avec le public ».Être attentif aux revenus des podcasts
Si un point de saturation a peut-être été atteint en termes de nombre de podcasts, ce n'est pas le cas pour les revenus. Les recettes publicitaires devraient doubler pour atteindre les 4 milliards de dollars d'ici à 2024, selon l'agence Interactive. Ceci dit, « cette évolution est davantage liée à l'amélioration de la technologie publicitaire plutôt qu'à l'augmentation des chiffres d'écoute », nuance l'étude.Capitaliser sur LinkedIn pour les newsletters
Twitter a abandonné Revue, Facebook ferme Bulletin. Face à cette démission, LinkedIn apparaît comme une alternative de choix, selon Reuters. La plateforme permet d'inscrire facilement les fidèles de la marque et intègre lisiblement les commentaires. La BBC a ainsi 1,8 million d'abonnés à sa newsletter Worklife 101.(Si vous voulez tout savoir sur ce format, c'est par ici).
S'adapter à l'innovation technologique
« La prochaine vague d'innovation technique est déjà là – et nous ne parlons pas du métavers », expose l'étude. L'intelligence artificielle a fait des progrès « miraculeux » en 2022. Près de trois entreprises sur dix (28%) affirment que l'IA fait désormais partie intégrante de leurs activités. Brut a ainsi recruté un clone IA de son journaliste Rémy Buisine pour faire une chronique générée par ChatGPT. Aftenposten, l'un des plus grands médias en Norvège, a également récemment cloné « avec une précision extraordinaire » la voix d'un animateur de podcast, à l'aide de l'IA.Déjouer la lassitude des internautes
72% des éditeurs s'alarment face à l'évitement croissant de l'actu. Seuls 12% ne sont pas inquiets. Leur stratégie pour contrecarrer cette tendance ? Miser sur des contenus explicatifs (94%), des formats questions-réponses (87%), des histoires inspirantes (66%). Produire des nouvelles plus positives (48%) reste une option moins populaire.Investir dans les abonnements
Les éditeurs seront plus nombreux à investir dans les abonnements et les memberships en 2023. La majorité des personnes interrogées (80%) déclarent qu'il s'agit d'une priorité en matière de revenus, devant le native advertising. Les deux tiers (68%) s'attendent à une croissance des abonnements cette année.Se préparer à une mutation totale des médias
Un grand nombre de journaux cesseront d'imprimer quotidiennement. La raison ? Une hausse du coût du papier et l'affaiblissement des réseaux de distribution. Des éditeurs américains ont ainsi fini par développer leur propre service de livraison. En France, la tonne de papier est passée de 500 euros au mois de juillet 2021 à plus de 1000 euros en novembre 2022, d'après Soizic Bouju, directrice générale de La Montagne, groupe Centre France.Des titres traditionnels pourraient également passer à un modèle uniquement en ligne. Le Washington Post a ainsi abandonné son magazine imprimé Sunday Magazine vieux de 60 ans ! Les entreprises nées avec le numérique sont également sur le banc de touche. La chute du trafic des grandes plateformes sociales (Facebook, Twitter) a aggravé le problème. D'après Digiday, le trafic de Twitter vers les sites Web d'une douzaine de grands éditeurs a diminué, en moyenne de 12% en décembre 2022 par rapport à novembre 2022.
Croire au collectif
Pour le Reuters Institute, l'économie des créateurs ne peut pas se contenter seulement des fonds créateurs pour survivre. Le journalisme individuel, qui se développe sur Substack par exemple, se fondera prochainement sur des collectifs et des microentreprises.Continuer sa diversification
Si l'abonnement reste la priorité (80%), suivi du display advertising, la plupart des éditeurs insistent sur la nécessité de miser sur plusieurs sources de revenus. Le Guardian combine à la fois les abonnements, la publicité numérique, les revenus des plateformes et des fondations, et les événements. Le Financial Times s'appuie sur le display et le native advertising, dirige un cabinet de conseil qui conseille d'autres entreprises média et développe son activité événementielle, comme le FT Weekend Festival annuel.Abandonner la publicité programmatique
Des médias devraient bientôt suivre l'exemple de Bloomberg News, qui a abandonné la publicité programmatique et se concentre sur les ventes directes. Face à une densité excessive des publicités et une mauvaise expérience utilisateur, les médias doivent adopter une approche « audience first » s'ils veulent renouer avec leurs lecteurs.Source : Reuters Institute