Crise climatique : les médias sur la sellette... 8 leçons à en tirer
Publié le 03 janvier 2023
S'il est bien un sujet qui ne supporte pas l'eau tiède, c'est le climat. La preuve : quand il s'agit de la crise climatique, entreprises et presse communiquent sans cesse... sans jamais convaincre totalement. Le 21e Cahier des Tendances de Méta-Media s'est penché sur le cas particulier des médias : face à la crise climatique, font-ils vraiment le job ?
La réponse est sans pitié... et contient des enseignements précieux pour la communication B2B. Car oui, parler du changement climatique est un impératif, mais encore faut-il le faire correctement.
- Première leçon : quel que soit le sujet traité, la communication ne peut plus faire l'impasse sur la question climatique. Celle-ci doit transparaître dans tous les domaines, dans toutes les campagnes menées. L'écologie est une thématique transverse, dont la majorité des sujets économiques, sociaux et sociétaux sont aujourd'hui imprégnés, « puisqu'ils sont liés à nos modes de production ou imposent des arbitrages ». Dans les médias, cela signifie que l'écologie « ne peut pas être réduite à une rubrique planète » et doit être traitée dans tous les articles. « Dès lors que le climat touche tous les éléments de notre société, il sort des rubriques secondaires, et implique désormais une réorganisation des rédactions », estime le rapport.
- Avant de chercher à transmettre à vos cibles des messages sur la crise climatique, commencez par estimer leur degré de compréhension et de familiarité de ces sujets. Rien de pire qu'une communication caricaturale ou, à l'inverse, hermétique. Ainsi, les journalistes font souvent référence à « l'accord de Paris », à « l'objectif du 1,5 degré » ou au « GIEC ». « Quel est le pourcentage de téléspectateurs qui savent ce que ces mots signifient ? », s'interroge Wolfgang Blau, cofondateur de l'Oxford Climate Journalism Network. A titre d'exemple, les médias américains se réfèrent souvent à l'objectif de 1,5 degré Celsius... alors que les températures du pays s'expriment en Fahrenheit.
- Pour estimer le degré de maturité de ses lecteurs sur la question, il peut être intéressant de développer des quiz, à l'image de ceux que proposent le Financial Times et le Washington Post. « Une fois que vous saurez que plus de la moitié de votre public est alarmé par la situation, il serait plus pertinent de faire du journalisme sur les mesures d'adaptation au changement climatique, plutôt que d'alerter sur les effets délétères du changement climatique », explique le rapport.
- Alerter sur la crise climatique exige un lexique précis et parlant. Faut-il parler de "changement", de "crise" ou de "catastrophe" climatique ? Le Guardian a tranché en publiant son lexique du climat : pour lui, il s'agit davantage d'une crise que d'un changement. Parce que la communication des entreprises sur le changement climatique est scrutée de toute part, il est là aussi crucial d'employer des termes adaptés et de vérifier systématiquement l'exactitude des faits avancés.
- Aujourd'hui trop orientée sur les « humanités », la formation initiale des journalistes constitue un frein : « 95%, voire 99% des journalistes sont rentrés dans la profession après avoir fait des études littéraires, du droit, de l'histoire, Sciences Po. Or, la plupart des sujets qui nous assaillent aujourd'hui ont une résonance scientifique énorme », estime Vincent Giret, le directeur de l'information du groupe Radio France. Appliqué à la communication B2B, ce constat montre que les fonctions communication doivent s'acculturer de toute urgence à un domaine complexe qui nécessite de se familiariser avec plusieurs concepts scientifiques.
- Sur cette crise mondiale, sans précédent, qui appelle des réponses urgentes, la communication B2B, si elle veut être audible, doit apporter la preuve de l'engagement de l'entreprise. Traiter du changement climatique « ne peut pas être consensuel », estime Maxime Loisel, chef de projet innovation éditoriale de Franceinfo.fr, pour lequel les médias doivent vulgariser les faits au maximum, dans un flux permanent d'informations. « Il faut assumer une certaine forme d'engagement en synthétisant ce qui est scientifiquement admis. »
- Une communication engagée n'est pas une communication à géométrie variable : comment le lecteur d'un journal perçoit-il un article « désespérant sur le réchauffement climatique » avec, sur la même double, un article qui se félicite des succès des industries les plus polluantes ? Même problème avec l'iconographie : une canicule est souvent représentée avec une personne qui mange une glace... « Les iconographes des rédactions doivent prendre conscience de ces dissonances et éviter de véhiculer des images qui, en plus d'être "cliché", minimisent ou relativisent l'importance du sujet. » De la même façon, la communication d'entreprise doit veiller à être cohérente et constante dans son traitement des sujets climatiques, en se gardant des clichés, toujours contre-productifs.
- Pour Méta-Media, les salles de presse doivent développer leurs collaborations avec les chercheurs et laboratoires « pour vérifier la manière dont les faits s'inscrivent dans une logique globale ». Franceinfo s'est ainsi associé à The Shift Project, une association spécialisée dans l'atténuation et la dépendance aux énergies fossiles, pour développer un format sur les mesures des candidats lors de l'élection présidentielle. Pour asseoir leur légitimité sur le sujet climatique, les entreprises ont tout à gagner, elles aussi, à s'appuyer sur des spécialistes du sujet. À la clé : la garantie d'une information exacte et la preuve d'un réel engagement sur les questions climatiques.
bio
Jean-Philippe Lorenzo,
Directeur technique de Take Part Media
Jean-Philippe Lorenzo est co-fondateur en 2005 de Take Part Media et y occupe le poste de directeur technique. Il obtenu son doctorat de physique en 1998 pour une étude sur la persistence des bi-polarons à température finie dans le modèle d'Holstein adiabatique unidimmentionnel.
Docteur Ingénieur avec un triple profil, il a successivement occupé les postes de : Chef de Projet Web (Kompass-Pages Jaunes) de 2000 à 2004 Chef de produit (Service marketing Kompass-Pages Jaunes) de 2002 à 2004 Chef de projet puis Directeur du service Etudes et Développement (Expert Line) de 2005 à 2009.