| Les influenceurs... ces nouveaux journalistes ? Sur les réseaux sociaux, les créateurs de contenu débordent de leur «champ d'expertise» et s'improvisent journalistes. « Les influenceurs ont découvert qu'il était désormais possible de gagner de l'argent et de l'influence en couvrant les breaking news», diagnostique la journaliste tech Taylor Lorenz, auteure de l'article paru dans le Washington Post ce 2 juin, Qui a gagné le procès Depp-Heard ? Les créateurs de contenu qui se sont lancés.« Que les médias traditionnels et les politiques veuillent bien l'admettre ou non, le monde des YouTubeurs est devenu le nôtre», poursuit-elle, dans un contexte où le lien ténu entre les journalistes et le grand public s'effiloche. Les créateurs sont devenus des personnalités de premier plan, informant un nombre croissant de spectateurs qui, à leur tour, « définissent le récit en ligne des grands événements». L'exemple du procès Johnny Depp-Amber HeardLe procès qui oppose Amber Heard et Johnny Depp – relayé gratuitement sur YouTube par la chaîne Court TV – a ainsi été passé au microscope par des milliers d'influenceurs en ligne, ces deux derniers mois. Avec un engagement monstre sur les réseaux sociaux, l'affaire Depp-Heard est devenue une opportunité sur laquelle capitaliser. Sur TikTok, «des détectives en herbe ont fouillé le passé à la recherche de preuves irréfutables». Les comptes de mèmes Instagram ont célébré la victoire de leur «Jack Sparrow». Les streamers Twitch ont réagi en temps réels, « qu'ils aient ou non des connaissances pertinentes», face à des spectateurs en quête de contexte et d'informations sur le système judiciaire américain. « Un déferlement parfois violent qui a mélangé mèmes Internet, fans ultras et communautés masculinistes», explique Le Monde, pointant une «tabloïdisation de TikTok». Si ces créateurs de contenus ne sont pas des experts en droit ou en psychologie et ne disposent que de preuves incomplètes, « des milliers de téléspectateurs les utilisent néanmoins comme source primaire pour interpréter des sujets épineux comme les abus», note The Washington Post. Dans ce paysage médiatique, les créateurs ont ainsi tiré profit de leurs contenus «informatifs», à l'image de Christophe Orec, un créateur de contenu de 20 ans de Los Angeles, qui a posté une douzaine de vidéos sur le procès sur son compte de 1,4 million de followers sur Instagram : « Les likes, vues, partages obtenus permettent de monétiser votre compte, gagner plus d'argent, rencontrer davantage de gens et constituer un réseau.» La créatrice de contenu Alyte Mazeika a gagné 5 000 dollars en une semaine en orientant le contenu de sa chaîne YouTube sur la couverture et l'analyse non-stop de procès, selon Business Insider. Face à un tel succès, les créateurs sont désormais déterminés à creuser le sillon des breaking news à travers des contenus divertissants et ainsi, concurrencer directement les médias d'information. Un message pour les médias traditionnels ?Ce phénomène est un enseignement pour les médias traditionnels. Selon le Baromètre de confiance dans les médias Kantar-Onepoint pour La Croix, une proportion importante de jeunes expliquent qu'ils évitent les informations des médias traditionnels car « ils préfèrent une info rapide, directe et facile d'accès». «Ils privilégient le format vidéo, et accèdent beaucoup à l'actualité à travers les commentaires sur Instagram, YouTube ou les plateformes de streaming comme Twitch», explique Anna, étudiante en journalisme au média. Seuls 38 % des sondés de 18 à 24 ans déclarent s'intéresser à l'actualité. L'enjeu pour les médias? Simplifier le langage et réussir à vulgariser des sujets complexes. Par ailleurs, le système économique des médias est aussi à prendre en compte. Si les abonnements numériques aident peut-être certains organes de presse à survivre, « les murs payants ne répondent pas aux besoins de personnes qui recherchent leurs informations quotidiennes sur YouTube, Snapchat, Instagram, TikTok, etc., explique Yvonne Leow, dans Poynter. Il y a un vide de reportages factuels sur ces plateformes, et c'est là que les journalistes et les créateurs peuvent apprendre beaucoup les uns des autres.» | | | | | | C'est un véritable pavé que viennent de jeter deux sénateurs républicains dans la marre du service audiovisuel public. Fusionner France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA (sans Arte et TV5 Monde) à partir de 2025 dans une société unique baptisée France Médias. T el est le projet porté par Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet. Ce projet de grande fusion dans l'audiovisuel public, vieux « serpent de mer », a été présenté ce mercredi 8 juin dans un rapport dédié au financement de l'audiovisuel public. « On ne peut pas occulter que l'audiovisuel est en pleine recomposition et que la structuration d'un grand pôle privé [la potentielle fusion entre TF1 et M6, ndlr] nécessite des éléments de réponse de la part de l'audiovisuel public », expliquent-ils. Pourquoi c'est un pavé ? « La fusion, c'est un peu le sens de l'histoire et ça permet à terme de réaliser 10 % d'économies sur le budget global de l'audiovisuel public, aujourd'hui de 3,7 milliards d'euros », poursuivent les corapporteurs, à l'heure où la redevance audiovisuelle est sur le point d'être supprimée. Le but étant de « mutualiser un réseau de compétences ». Le rapport prévoit ainsi de créer « une structure commune réunissant l'ensemble des journalistes de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde », dans une newsroom organisée en trois pôles distincts qui couvriraient respectivement l'international, le national et le local. Il s'agit ainsi de « maximiser les mutualisations pour supprimer les doublons et investir davantage dans le numérique pour défendre notre souveraineté audiovisuelle ». Un projet qui ne manquera pas de faire réagir au sein des entreprises concernées. | | | | | | | | LE CONTENU QU'ON AURAIT ADORÉ FAIRE | | | | Avez-vous frissonné devant le scénario de Gravity ? Si le film présente une astronaute tentant de survivre face aux débris d'un satellite explosé en morceaux par un missile russe, les événements sont loin d'être irréalistes. En novembre dernier, des débris spatiaux ont réellement mis en péril la vie des astronautes de l'ISS. Un sujet qui a intéressé le Financial Times, qui a élaboré un format intitulé : « Comment les débris spatiaux menacent la vie moderne. » L'article commence sous des allures de roman, avec une écriture très proche du récit : « Matthias Maurer n'était sur la Station spatiale internationale (ISS) que depuis trois jours lorsqu'il a été réveillé aux premières heures du lundi 15 novembre par une alerte de Mission Control à Houston. Des fragments d'un satellite disparu se précipitaient vers la station spatiale et l'équipage reçut l'ordre de monter dans les navettes d'évacuation. » Une manière efficace de mettre le lecteur en haleine. Le design, noir comme l'espace, avec la Terre en arrière-plan, des étoiles et des morceaux de débris animés aident également à l'immersion. Accompagné de chiffres, citations, graphiques et infographies, le média réussit à vulgariser des éléments scientifiques grâce à des éléments concrets. Le but ? Expliquer les conséquences que peut avoir une collision. Un exercice de pédagogie réussi avec brio. | | UNE DERNIÈRE LIANE POUR LA ROUTE | | Mais que racontent les commentaires des lecteurs du Monde, souvent considérés comme un « dépotoir » ou « des propos de comptoir » ? Luc Boltanski et Arnaud Esquerre, deux sociologues de renom ont tenté de répondre à « cette production textuelle mal-aimée », se penchant sur les quelque 120 000 messages écrits par les abonnés du média sur le site du journal en septembre et octobre 2019. Au micro de Sonia Devillers, dans l'Instant M, on y apprendra par exemple que les lecteurs du Monde utilisent un langage plutôt policé. 6 commentaires sur 116 000 contiennent le mot « enc... ». « Les lecteurs qui s'adressent au Monde veulent se différencier d'Internet, des médias, des sites et veulent donc montrer qu'ils sont "des gens comme il faut". Il s'agit en majorité d'hommes et de femmes exerçant des professions universitaires, ou sont médecins ou avocats », observe Luc Boltanski. Une émission à écouter sur France Inter. | |