Pour sa cinquième édition, le festival Médias en Seine, organisé par Les Échos, Le Parisien et Franceinfo, a réuni près de 6000 participants et 200 intervenants français et internationaux, autour d'un thème très large : «Médias, quelles responsabilités, quelles réponses par temps de crise?» Retour choisi sur une riche édition.
Peut-on se passer de publicité ?
De gauche à droite : Maxime Thuillez, rédacteur en chef de Greenletter Club, Lauren Boudard et Dan Geiselhart, fondateurs de Climax, Juliette Quef, Présidente de Vert, et Amélie Deloffre, rédactrice en chef de 2 jours pour vivre
Comment concilier indépendance éditoriale et publicité ? Est-ce seulement possible ? Vers quelles autres voies se tourner sans se trahir ? C'est à cette épineuse problématique que se sont frottés le journaliste Maxime Thuillez et ses quatre invités : Lauren Boudard et Dan Geiselhart, fondateurs des newsletters Climax et Tech Trash, Amélie Deloffre, fondatrice et rédactrice en chef de 2 jours pour vivre et Juliette Quef, directrice de publication de Vert. Tous sont à la tête de jeunes médias aux valeurs progressistes et écolos et tentent d'être en accord avec leurs valeurs.
Pas de pub dans les newsletters de Tech Trash et Climax
Il y a cinq ans, Lauren Boudard et Dan Geiselhart ont lancé Tech Trash, une newsletter impertinente sur le milieu de la tech. Chaque édition tape gentiment sur les errements de directeurs d'entreprise et de firmes, pointe l'absurdité de certains concepts tech et met en lumière les phrases bullshit inhérentes à l'univers de la communication. « Le ton de Tech Trash, c'est d'être piquant, de critiquer le greenwashing, de pointer les dérapages. Les marques ne sont donc pas très contentes quand vous les dézinguez», souligne Dan Geiselhart. La publicité a donc vite été écartée, face au parti pris très critique de la newsletter envers les marques.
« La publicité n'est pas une nécessité » pour Juliette Quef
Si la fondatrice de Vert partage recevoir dix propositions par semaine, la jeune femme est catégorique : aucune pub ne verra le jour sur son média. Même les marques engagées sont persona non grata. « Quand nos lecteurs lisent Vert, il faut absolument qu'ils voient que c'est une information indemne de tout intérêt privé.» Cette indépendance permet un recul critique face à un monde où intérêts privés, écologie, science et marques sont totalement imbriqués. « On le voit sur Instagram – le temple du greenwashing – où tous les discours sont mélangés. On ne saisit pas ce qui relève de l'info journalistique ou du contenu de marque», observe-t-elle. Pour la journaliste, le recours à la publicité n'est pas une nécessité lorsqu'on est un média à la taille relativement faible. « On peut être dans une forme de sobriété, du point de vue des dépenses engagées. Au niveau des recettes, on n'a pas besoin de tant que ça par rapport aux médias qui ne peuvent pas se passer de pub », soulève-t-elle. Vert accueille aujourd'hui cinq personnes : les deux cofondateurs (avec Loup Espargilière), deux alternants et une journaliste en CDI.
Une logique de dons
« Plus les gens aiment, plus ils donnent. C'est une règle fondamentale en marketing», appuie Juliette Quef. Le modèle de Vert repose sur l'investissement de sa communauté – soit 25 000 lecteurs. Le média lance régulièrement des campagnes de crowfunding. Une autre béquille reste la formation rétribuée dans les médias qui s'inscrivent dans un « tournant environnemental ». L'idée est de former les journalistes sur le volet écologique. Par ailleurs, après avoir fait de la sensibilisation dans des entreprises (notamment la vulgarisation du GIEC), Vert préfère mettre l'initiative en pause. « L'un des biais de ce type d'initiative est de permettre aux entreprises de faire du greenwashing, avec notamment les marques de nos médias, qui sont indépendants. On a déjà refusé une communication externe d'une entreprise qui voulait communiquer sur notre intervention», explique la journaliste, qui prévoit pour l'avenir de se tourner plutôt vers des comités d'entreprises ou des syndicats, dans une optique de transmission de connaissances.
« De la sensibilisation dans une entreprise, ce n'est pas du greenwashing »
Pour Dan Geiselhart, la vision diffère. Par le passé, Tech Trash a ainsi animé une conférence pour Orange à VivaTech 2022 sur le thème de la startup nation. « Si tu fais une formation, une conférence dans une entreprise sur une thématique, ce n'est pas du greenwashing. C'est de la sensibilisation, assure-t-il. On est dans une logique descendante si on travaille avec des marques. On amène nos contenus de manière verticale.»
Des recettes pour se démarquer dans ce paysage concurrentiel
Aussi bien pour Tech Trash que pour Vert, l'important est de jouer collectif et de ne pas se « starifier », à l'image des Hugodécrypte et de Bon Pote. « L'hyperpersonnalisation, ça marche mais c'est devenu consensuel. Nous, on pense que c'est radical de ne pas personnaliser du tout. On est collectif. La radicalité, elle est là, plutôt que de se montrer sur sa page Instagram », estime Dan Geiselhart. Avis partagé par Lauren qui estime que ce choix permet de construire une vraie cohésion d'équipe, et évite le côté « ego gênant ». Sur le média Vert, la photo des différents journalistes apparaît en bas en fonction des numéros de la newsletter. L'accent n'est pas mis sur telle ou telle personnalité : « Le fait que l'on voie qui sont les rédacteurs de Vert, c'est quelque chose que les gens apprécient. C'est important de mettre des visages. Cela favorise la communauté », explique la co-fondatrice.
Et sinon... ?
The Big Whale, le média Web 3 de Raphaël Bloch et Grégory Raymond était présent à Médias en Seine. L'occasion pour l'un des deux rédacteurs en chef de dévoiler les coulisses de leur jeune média. Dernier fait d'armes : ils ont publié la dernière grande interview de Sam Bankman-Fried, PDG « déchu de FTX » « deux semaines avant le drame ». Leur principale salle de rédaction ? Un Discord avec leurs abonnés payants et différentes strates. «Plus l'abonné paye, plus il a un accès privilégié», commente Grégory Raymond. Chaque semaine, les journalistes organisent une interview en live, à 18 h tous les lundis, et reçoivent le jeudi un porteur de projet (« On les fait passer sur le gril. »). Grâce à cet outil, les deux entrepreneurs échangent avec des lecteurs hyper experts, qui aident parfois à préparer leur sujet. « Ce sont presque des bénévoles. On réfléchit à une incitation financière avec des tokens, commente-t-il. À la différence de Twitter, on reçoit des retours positifs. »
Jean Abbiateci, fondateur de Bulletin, " la newsletter de l'info curieuse et optimiste "
Jean Abbiateci a donné une formation instructive sur comment bien penser sa newsletter. Avec quelques principes très clairs : la newsletter automatisée et sans identité « doit être condamnée », rédigez clairement votre promesse éditoriale (la « newsletter qui vous permet de survivre à vos parents » au lieu de « newsletter des parents »), informez sans désespérer, trouvez le pain point de vos lecteurs, adoptez une structure claire et simple, app les 4 P (pensée, plaisir, pratique et partage – précepte emprunté à Cyrille Frank –), créez une page d'inscription pour vos abonnés, utilisez vos statistiques d'audiences comme un outil de pilotage, pas comme « une guillotine », demandez régulièrement l'avis de vos lecteurs, n'oubliez pas que vos abonnés fidèles sont vos meilleurs ambassadeurs, il faut donc leur donner l'occasion de partager facilement (Bulletin, la newsletter de l'info curieuse et optimiste - a ainsi connu un décollage sur WhatsApp)...
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