Rebecca Amsellem : « Il y a vraiment de la place pour tout le monde dans le paysage médiatique féministe »
C'est pour combler un vide que Rebecca Amsellem a lancé « Les Glorieuses », newsletter féministe et culturelle. À une époque où les contenus féministes sont encore timides en France, la doctorante en économie se lance dans l'aventure médiatique.Portée par les écrits d'Anaïs Nin (« je suis subjuguée par son honnêteté ») et inspirée par les médias nord-américains, elle crée en 2015 Les Glorieuses.
3.40 – Pourquoi avoir lancé Les Glorieuses ?
- La création des Glorieuses découle d'une interrogation personnelle : que veut dire rentrer dans la vie adulte ? Qu'est-ce qu'être une femme ?
- Les journaux d'Anaïs Nin l'incitent à se lancer à son tour dans la création de contenus féministes : « Pour la première fois, je lisais une autrice qui racontait sans fard ce qu'elle ressentait. Cette honnêteté m'avait subjuguée. C'est la première fois où, sous la plume d'autrices, je me suis dit que ça existe une femme qui est honnête vis-à-vis de ce qu'elle pense. »
- Si, à l'époque, les médias américains apportent une réflexion féministe, en France, Rebecca Amsellem ne trouve pas de « contenu similaire ».
5.03 – Projet personnel ou média professionnel ?
- Au départ, le projet « Les Glorieuses » n'est pas destiné à être « l'activité professionnelle principale », mais plutôt un « hobby ».
- Dès l'origine, le contenu est ouvert à tous. La première newsletter est envoyée à une trentaine de personnes.
- Le nombre d'abonnés a grandi très vite.
5.39 – D'où vient la marque Les Glorieuses ?
- L'objectif était de trouver « un nom qui correspond à un sentiment que l'alternative ne pouvait pas fonctionner. L'alternative à quoi ? À la révolution féministe. On est obligées de gagner cette révolution. Car si jamais on ne la gagne pas, ça veut dire que la génération de nos filles sera obligée de se battre pour les mêmes droits. »
- Les Glorieuses compose avec un paysage éditorial féministe riche, sans que cela inquiète Rebecca Amsellem : « Il n'existe pas un féminisme, ou une féminité, mais il existe autant de féminismes et de féminités qu'il existe de femmes. Il y a vraiment de la place pour tout le monde dans le paysage médiatique féministe. »
8.54 – Les audiences cibles des Glorieuses et la promesse éditoriale
- Chaque newsletter répond à une audience et une promesse éditoriale spécifiques (Impact, Les Petites Glo, Les Glorieuses...). Elles fonctionnent de manière indépendante et en silo.
- Les Glorieuses, newsletter rédigée par Rebecca Amsellem, s'adresse à une audience de 18-35 ans (« Un peu plus que 35 ans, la newsletter vieillit avec moi », explique-t-elle).
- « Je n'ai jamais réfléchi à la stratégie des Glorieuses en termes de promesse éditoriale, mais ce serait d'accompagner dans une réflexion féministe. On n'est pas du tout une boîte à penser. On souhaite créer une étincelle », poursuit l'entrepreneuse.
- Avec Les Glorieuses, elle souhaite proposer une réflexion qui va mettre des mots sur des doutes et angoisses.
- La newsletter Impact s'intéresse à l'évolution des politiques publiques dans le monde et l'impact sur la vie des femmes. Elle est rédigée en français et en anglais. Elle compte 22 000 abonnés.
- L'audience d'Impact est B2B. Le lectorat est composé de personnes travaillant dans les organisations internationales, des associations, des membres de gouvernements, des députés en France et à l'étranger qui travaillent sur le droit des femmes et qui voudraient s'inspirer de ce qui se passe ailleurs.
- Impact se présente comme une veille des bonnes pratiques qui se composent partout dans le monde : « On propose des solutions qui existent et qui permettent d'être appliquées en France. L'objectif est de proposer des stratégies efficaces. »
- Les Petites Glo s'adresse aux adolescentes et adolescents. La newsletter a été créée en 2017, à l'heure de l'apparition de Greta Thunberg. « On voyait une nouvelle génération d'adolescents très investis politiquement parlant. »
- La newsletter plus classique écrite toutes les deux semaines dans Les Petites Glo traite exclusivement de santé mentale.
15.58 – Pourquoi le format newsletter ?
- La newsletter est un format peu coûteux.
- Le format newsletter permet de « contourner les réseaux sociaux » (« je ne suis pas très à l'aise sur les réseaux sociaux », confie-t-elle).
- La newsletter permet d'avoir une indépendance éditoriale vis-à-vis du changement des algorithmes des réseaux sociaux.
- « Cela nous permet de sortir de la perception du clic, qui était omniprésente dans le champ des médias 2000-2010 », explique-t-elle.
- Le taux d'ouverture des newsletters varie entre 50 et 60%.
20.05 – L'exécution
- Trois newsletters pour l'heure, et une quatrième, dédiée à la Fem Tech, qui va être lancée d'ici quelques semaines.
- Megan Clément, spécialisée dans la question du genre, est la rédactrice en cheffe de la newsletter Impact. La newsletter est d'abord rédigée en anglais, puis traduite par une journaliste-traductrice en y incluant des données françaises.
- Un pool d'écrivaines/spécialistes/scientifiques travaille sur Les Petites Glo.
- Les Glorieuses est rédigée en général par Rebecca Amsellem.
26.13 – Le modèle économique : des partenariats au long cours
- L'idée était de proposer un même contenu pour tout le monde. « À aucun moment, je n'ai voulu le passer en payant », explique Rebecca Amsellem.
- Le modèle économique des newsletters est par silo : « On boucle des financements pour chacune des newsletters, sauf pour Les Glorieuses. »
- Impact est financée par période de deux ans par un fonds international (The New Venture Fund qui a pour vocation d'accompagner des médias qui proposent des « narratives différentes » sur des sujets spécifiques).
- Les Petites Glo est financée par la Fondation L'Oréal depuis quatre ans.
- Les Glorieuses fonctionne sur du sponsoring, avec deux types d'entreprises : soit de très grosses entreprises qui veulent communiquer sur leur engagement RSE, soit des entreprises qui vont proposer des produits/services féministes.
- « La production déléguée – accompagnement des médias et des entreprises dans la confection de leurs newsletters – et les conférences sont d'autres piliers. »
- En 2023, selon le Reuters Institute, 82% des médias vont lancer de nouvelles newsletters. « La newsletter est le premier canal d'acquisition de nouveaux abonnés mais aussi le premier canal de rétention d'abonnés existants », observe la fondatrice des Glorieuses.
- Le sponsoring représente 75% du modèle économique.
29.08 – Comment la newsletter s'appuie sur d'autres formats
- Les Petites Glo a été lancée en format WhatsApp, il y a quatre ans. « On avait un partenaire en Allemagne qui nous permettait d'envoyer la newsletter sur WhatsApp. »
- Sur WhatsApp, Les Petites Glo culminait à 1800 abonnés avec un taux d'ouverture de 99,6% !
37.09 – Les chiffres du succès
- 250 000 lecteurs au total. Les Glorieuses représente 60%.
- « Je pense qu'on peut monétiser à partir du premier abonné, si jamais on est un très bon commercial. On peut avoir 250 000 lecteurs et ne pas avoir un modèle économique rentable », tient-elle à souligner.
- « Le fondateur de Time To Sign Off, Romain Dessal, avait 5000 abonnés à l'époque où j'ai échangé avec lui et avait déjà une entreprise très rentable et plusieurs employés », illustre-t-elle.
- 350 000 euros de chiffre d'affaires.
- La newsletter avec le plus fort taux d'ouverture est Impact, suivie des Petites Glo et ensuite Les Glorieuses.
42.07 – La routine éditoriale de Rebecca Amsellem
- « Je relis des articles écrits par Nora Ephron, journaliste américaine devenue scénariste, connue pour avoir écrit Quand Harry rencontre Sally, elle est hyper drôle sur des sujets très sérieux. Elle parvient à créer un intérêt. »
- Le Nieman Lab est « ce que je préfère lire » pour la veille médiatique.
- Des conseils pour lancer sa newsletter ? « L'idée est d'avoir un point de vue unique sur un sujet unique, c'est la meilleure manière de trouver son lectorat. On peut avoir les meilleurs modèles économiques du monde, si jamais on n'a pas le contenu derrière... Il ne faut pas faire une newsletter trop longue. »

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