Médias en Seine : une édition qui se veut résolument optimiste
« Les médias vont un peu mieux que ce que l'on pourrait croire », affirme David Barroux, rédacteur en chef des Echos, en guise de préambule à la 4e édition de Médias en Seine, organisée ce mardi 12 octobre par Les Echos et Franceinfo.
Et les médias peuvent compter sur l'État pour assurer son avenir, selon les promesses de Roselyne Bachelot. « J'ai souhaité revoir les conditions d'accès aux aides à la presse pour introduire un critère relatif à la présence de journalistes dans les rédactions. Cette réforme est sur le point d'aboutir. Je suis persuadée que la multiplication récente des titres sans journalistes n'est pas un modèle soutenable », explique la Ministre de la Culture, face caméra, faisant allusion, entre autres, aux pratiques de Reworld Media.
Compte rendu fragmentaire d'une session très dense, où 6 000 participants, 250 intervenants et 620 journalistes ont œuvré.
Le Monde : 130 000 abonnés numériques gagnés pendant le confinement

« Il faut élever son niveau de jeu »
Comment expliquer un tel succès ? Pour Louis Dreyfus, les Français sont prêts à dégainer le porte-monnaie – comme ils l'ont fait avec Netflix et Spotify ou Deezer – lorsque les contenus sont de qualité. Le Monde réinvestit ainsi le chiffre d'affaires d'abonnement numérique dans les reportages et enquêtes au long cours. On rappelle toutefois que, selon le Digital News Report 2021, le rapport du Reuters Institute for the Study of Journalism, la proportion d'internautes français payant pour de l'info reste à 11 % en 2020. Selon Nic Newman, Senior Research Associate au Reuters Institute, seuls certains médias d'information de qualité bien spécifiques peuvent envisager l'avenir durablement en associant revenus issus des abonnements, de la publicité et des événements, suivant la logique implacable du "Winner takes it all".
L'intérêt, rappelle Pierre Louette, est de rester fort sur trois fondamentaux : la rédaction, la relation et la réaction. « On ne doit pas sortir indemne de la lecture du Parisien, il faut qu'il se passe quelque chose », explique le directeur, paraphrasant un ancien patron du média. Les enjeux sont cruciaux. À l'approche de l'élection présidentielle, la mission d'information n'a jamais été « aussi importante ». D'après une étude de sciences politiques menée aux États-Unis, la propension à aller voter avait beaucoup baissé dans les comtés où les journaux locaux ont disparu. « Quand on est moins lecteurs de journaux, on va moins participer au débat démocratique. Or, ce débat démocratique, on en a grandement besoin. Il faut qu'il soit alimenté par des citoyens informés. »
Les newsletters, format chouchou sous les feux de la rampe
Un festival à l'intérieur d'un festival. My Little Paris organisait à Médias en Seine le premier festival dédié à la newsletter, un format surtout plébiscité outre-Atlantique. Professionnels des médias et de la communication y ont délivré leurs meilleurs conseils pour réussir cet exercice particulier et tisser une relation durable avec son lecteur. Titiou le Coq, 263 newsletters à son actif, prend ainsi le parti de se livrer dans « Slate X Titiou », une newsletter féministe à la ligne éditoriale calquée sur l'humeur du moment de l'autrice et rédigée à la première personne.
L'incarnation, ça plaît. Même si la journaliste admet une certaine lassitude dans cet exercice routinier, sa parole libre a des échos auprès d'un lectorat attentif : « Bien que tous les mardis je n'y arrive pas et que bien je me dise tous les mois de septembre, j'arrête, il ne faut pas lâcher. La parole féministe de gauche, ce n'est pas ce que l'on entend le plus. Il faut tenir la position avant la campagne présidentielle. J'ai réussi à créer mon espace. » Elle reçoit régulièrement des mails personnels de la part de ses lecteurs : « Ce n'est pas la même chose que les coms qu'ils te lâchent sur Slate. » Cette intimité tissée au fil des années, elle la doit à ce dévoilement – de ses colères, de ses trouvailles, de ses succès : « C'est lié au fait que je m'incarne et que je ne m'épargne pas », estime l'autrice d'Honoré et moi.
La transparence, aussi. La transparence est indispensable pour avoir un modèle qui soit durable. C'est ce que défend Benoît Raphaël, « ancien briscard de l'innovation média », pour reprendre les mots de François Defossez, co-fondateur de CosaVostra. Avec sa newsletter Flint aux 20 000 abonnés – une sélection personnalisée d'articles de qualité poussée par l'intelligence artificielle –, l'entrepreneur ne s'épargne pas non plus et livre ses déboires entrepreneuriaux. Après des problèmes de trésorerie – « on n'a pas fait la levée de fonds auprès de la BPI comme on le souhaitait, il nous manquait 150 000 euros », il livre tout à ses abonnés dans la newsletter du dimanche : combien ils perdaient, à quel moment l'entreprise risquait de mourir, quelles mesures il comptait prendre pour réduire les charges. « La réaction a été extraordinaire », témoigne-t-il : une vingtaine de rendez-vous avec de grandes entreprises en découle. « Le pipe commercial est passé de 200 000 à 400 000 euros en trois jours. » Par ailleurs, Benoît Raphaël souligne l'importance de nouer une relation personnelle avec sa communauté. Il prend le soin de répondre à chacun de ses lecteurs, un par un, peu importe la longueur du mail. Un système qui se prolonge sur Discord, plateforme fondée sur l'audio dont l'usage s'est diversifié avec la pandémie et qui permet aux abonnés de discuter entre eux : « On a 1 000 abonnés en permanence sur Discord, profs, étudiants, cadres, on fait des apéros audio. C'est une communauté de grande qualité », explique-t-il. Selon Benoît, pour toucher son public, il faut être « copain, faire partie des proches, jouer à fond, rentrer dans l'intimité avec honnêteté et, surtout... beaucoup travailler ! »

De son côté, Gaëtan Duchateau, cofondateur de Datagif, a délivré quelques bonnes pratiques de concept et de design. Selon lui, outre le fait de penser sa newsletter comme un véritable produit éditorial, il est important de faire du lien avec ses lecteurs, en faisant par exemple un petit paragraphe personnel d'introduction. « C'est toujours plus sympa quand on reçoit un mail écrit par un vrai humain. Cela aide à créer un rendez-vous », partage-t-il. À l'image d'Axios Gaming, qui, tous les vendredis, prend le temps de répondre aux questions des lecteurs sur des thèmes bien précis.

On aurait aimé pouvoir parler encore de l'univers des médias, mais pour ne pas vous lasser, on va simplement vous proposer quelques replays disponibles
« Pour l'instant, je ne vois aucun parti politique s'investir sur Twitch (en vue de la campagne présidentielle). J'ai peur qu'ils débarquent comme des cons en janvier. C'est beaucoup trop tard. Ils vont se casser la gueule », prédisait Jean Massiet, vulgarisateur politique et streamer aux côtés de Samuel Etienne et Vincent Edin, dans la session « Twitch peut-il rallumer la politique ? » Une conversation à bâtons rompus sur les codes de la plateforme. « Au fond de moi, je m'adresse à Dylan, 19 ans, qui joue aux jeux vidéo et qui s'en fout de la politique, explique Jean Massiet. Twitch est d'abord une plateforme d'interaction. Cela impose d'avoir une posture de dialogue, pas professorale. Les politiques ne savent pas très bien faire... »
Informer via Substack – une discussion entre Emily Atkin, journaliste qui a créé une newsletter sur le réchauffement climatique, Linda Lebrun, membre de l'équipe de Substack et Judd Legum, sorte de Luc Bronner américain, fondateur de la newsletter sur les lobbys « Popular Information » : ils conseillent entre autres de ne pas s'aventurer sur Substack juste après les études de journalisme, mais « après quelques années d'expérience » !