« Les gens en ont marre de Twitter : Discord offre une façon plus intimiste de se rencontrer en ligne »
Selon Forbes, il s'agit de « l'expérience médiatique la plus originale de l'année ». Sous la direction de Casey Newton, huit journalistes tech indépendants ont lancé leur propre salle de rédaction virtuelle sur Discord, plateforme fondée sur l'audio très prisée des gamers, dont l'usage s'est diversifié avec la pandémie. Intitulé Sidechannel, le serveur Discord est un embryon de rédaction. Sur l'appli, les abonnés peuvent discuter entre eux, assistent en direct à des interviews exclusives. Ce Slack amélioré a été lancé en parallèle des newsletters payantes de chacun des créateurs. Ryan Broderick, journaliste spécialisé dans la culture web et tête pensante de Sidechannel, évoque avec nous l'origine du projet.
«Discord propose un format qui me semblait parfaitement adapté aux créateurs de newsletters.»
Pourquoi avoir choisi Discord ? Est-ce une façon pour vos abonnés « d'entrer dans l'arrière-cuisine du journalisme », comme le dit Charlie Warzel, un des membres de Sidechannel ?
L'utilisation de Discord est monnaie courante chez les streamers et autres influenceurs, mais aussi au sein des communautés Reddit, donc je n'ai pas hésité une seule seconde. Les créateurs de contenus développent de nombreux projets attrayants en dehors des médias pour engager leur public et Discord propose un format qui me semblait parfaitement adapté aux créateurs de newsletters. Je pense aussi que les gens en ont marre de Twitter et que Discord leur offre une façon un peu plus intimiste de se rencontrer en ligne.Comment avez-vous eu cette idée ?
Pour résumer, mon ami Bijan Stephen utilisait Discord pour communiquer avec ses abonnés Twitch. Comme ça marchait bien, j'ai décidé d'essayer avec ma propre communauté. Le Discord de [ma newsletter] « Garbage Day » a lui aussi bien fonctionné, alors Casey s'est inspiré de cette idée et l'a développée.Pourquoi avoir choisi Discord ?
Discord offre de nombreuses fonctionnalités qui en font une plateforme idéale pour ce type de community management. Il y a de très bons outils de modération. La création de serveur est très simple et les fonctions audio excellentes. Et il y a bien plus d'options que sur Clubhouse par exemple.Quelles sont les valeurs de votre collectif ?
Nous écrivons tous sur des sujets différents, mais pour moi ce projet réunit « des gens qui écrivent sur la culture informatique ». Ce n'est pas que ça, mais c'est un bon résumé. À nous huit, nous couvrons de manière exhaustive le domaine des technologies et des médias d'un point de vue sociologique. Les valeurs de notre collectif en découlent naturellement.Qui seront vos prochains invités, après Mark Zuckerberg ?
La programmation change tout le temps, donc malheureusement je ne peux pas vous donner de scoop sur nos prochains invités. L'idée est d'inviter des personnes intéressantes que nos abonnés ont envie de découvrir. Nous avons eu le privilège de recevoir Mark Zuckerberg en premier. Dans un an, j'espère que je pourrais dire : « Regardez tous ces gens extraordinaires que nous avons reçus, c'est fou ! ».Êtes-vous d'accord avec Sara Fischer d'Axios, qui dit que « les collectifs d'écrivains sont un bon compromis pour les journalistes et les commentateurs à la recherche du soutien de leurs pairs, tout en leur offrant plus d'autonomie qu'une salle de rédaction classique » ?
Je me méfie toujours de ce que les gens considèrent comme l'avenir des médias ! Je pense que l'image des médias est déformée parce que tout le monde considère qu'il n'y a qu'un seul modèle de perfection. Le modèle que nous avons choisi nous correspond pour le moment, mais ce ne sera peut-être plus le cas dans un an. Et c'est ça qui est passionnant !Conseillez-vous aux créateurs de newsletters de rejoindre un collectif ?
Pas du tout. Je pense qu'ils doivent suivre leur instinct. Je connais beaucoup d'écrivains qui sont parfaitement heureux tout seuls et d'autres qui préfèrent faire partie d'un groupe. Au final, le plus important, c'est de trouver le modèle qui vous convient, qui vous permet de vous développer et de vous épanouir.Quel regard portez-vous sur « l'économie de la création » ?
« L'économie de la création » me fascine, mais elle m'inquiète aussi. J'aime l'idée que des créateurs indépendants remplissent l'Internet de choses incroyables et géniales, mais je suis terrifié à l'idée d'un monde où personne n'a de protection sociale et où tout le monde doit travailler non-stop pour créer du contenu sur Internet.«Je pense que les réseaux sociaux publics sont en perte de vitesse et qu'ils vont devenir plus agressifs et chaotiques, comme Twitter aujourd'hui.»
Vous êtes l'auteur de la newsletter « Garbage Day », qui explore en profondeur et en détails la culture Internet et les réseaux sociaux. Quelles tendances observez-vous pour l'avenir des réseaux sociaux ?
Je pense que les réseaux sociaux publics sont en perte de vitesse et qu'ils vont devenir plus agressifs et chaotiques, comme Twitter aujourd'hui, tandis que les réseaux sociaux privés vont gagner en popularité, à l'image de Discord. Et je pense que ça va provoquer beaucoup de problèmes nouveaux et d'évolutions bizarres de notre culture. Et j'ai super hâte d'écrire dessus !De manière générale, la technologie rend la pop culture – ou notre conception de la pop culture – extrêmement élastique. En ligne, si on est assez nombreux, on peut modifier le monde réel comme bon nous semble. Ce qui est à la fois grisant et effrayant. On peut booster une entreprise cotée en bourse pour en faire l'action la plus chère du pays, on peut demander une nouvelle version de Justice League, ou un nouveau design pour Sonic, et voir ses vœux exaucés, ou on peut réunir plein de gens qui s'appellent Josh au beau milieu d'un champ. Internet a créé une nouvelle forme de réalité qui n'en devient chaque jour que plus « réelle ».