entretien

« La communication surestime l’utilisation des réseaux sociaux par les consommateurs Â»

« La communication surestime l’utilisation des réseaux sociaux par les consommateurs Â»

Publié le 01 mai 2021
0

Selon la dernière étude de Kantar, le « Media Navigator Reputation », les professionnels de la communication surestiment l'évolution de la consommation des médias et l'importance des nouveaux canaux médiatiques. Nous avons échangé sur le sujet avec Christophe Dickès, Global Copyright Director de Kantar, et Sonia Metché, directrice des insights de Kantar.

Quels sont les principaux enseignements de cette étude ?

Christophe Dickès : Il y a un décalage entre les usages des consommateurs et la perception des professionnels à l'égard de ces consommateurs. Les professionnels de la communication surestiment l'utilisation des réseaux sociaux par les consommateurs. Or, on assiste aujourd'hui à une méfiance vis-à-vis des réseaux sociaux. Les usages des consommateurs peuvent être considérés comme doubles. Dans un premier temps, les réseaux sociaux seront utilisés pour savoir ce qui se passe. Les médias traditionnels serviront ensuite à la vérification des faits. Une dichotomie se crée entre voir et vérifier. Le contrôle de l'information ne passe pas par les réseaux sociaux, mais par les médias traditionnels que sont la télévision, la presse online, la presse offline et les moteurs de recherche.
«L'étude montre que, pour approfondir un sujet, les jeunes placent les réseaux sociaux derrière les médias traditionnels et les moteurs de recherche.»
Sonia Metché - Directrice des insights de Kantar Sonia Metché : L'étude montre que, pour approfondir un sujet, les jeunes placent les réseaux sociaux derrière les médias traditionnels et les moteurs de recherche. Cela signifie que le contrat de lecture qui existe entre un média et son audience est valable aussi pour les jeunes. Il a été rendu explicite grâce aux gros efforts de décryptage de l'info fournis par les médias historiques, et aussi par le développement de formats plus accessibles pour eux, notamment par Le Monde, qui a une équipe Snapchat dédiée, et par France Info, aux succès d'audience historiques.

Christophe Dickès : Les professionnels de la communication ont plusieurs inquiétudes, dont celle de la confiance du public à l'égard du monde médiatique. Or, on a vu qu'avec la crise du Covid cette confiance avait atteint un seuil et était même remontée. Il y a une volonté d'accéder à une information professionnelle, bien éloignée du monde polarisé des réseaux sociaux et de celui des fake news en général.  

Les sources d'information les plus utilisées par le grand public sont en tête la télévision (62 %), puis les réseaux sociaux et la presse (papier et online) au même niveau (36 %). Et enfin les radios (30 %). Pour les 16-34 ans, les réseaux sociaux arrivent en tête (51 %), suivis par les chaînes télé d'information (45 %), et la presse papier et online (26 %). Si les réseaux sociaux sont très importants pour les jeunes, il faut relativiser leur intérêt parce qu'ils n'y vérifient pas l'information.
Média, réseaux sociaux, stratégies de contenu de marques, nouveaux formats… pour ne rien rater de l’actualité de l’univers des contenus, abonnez-vous à notre newsletter Dans la Jungle des contenu : S’inscrire

Comment expliquer que les chaînes de télévision ont été régulièrement suivies alors que leur traitement de l'information était critiqué ?

Christophe Dickès : Nous étions dans un monde plongé dans l'inquiétude. On souhaitait vraiment savoir, s'informer auprès des chaînes d'info. L'exemple type est la première intervention de Macron, qui a été visionnée par des dizaines de millions de personnes. Du jamais-vu dans l'histoire de la télévision. Ce que l'on constate aussi - c'était net au moment du premier confinement -, c'est qu'un public a retrouvé une appétence pour l'écran, mais aussi pour la télévision, du fait du confinement. Des chaînes comme TF1, le groupe France Télévisions ont tiré leur épingle du jeu.

Sonia Metché : Il y a eu des records historiques de durée d'écoute en 2020. Quatre heures par jour, selon Médiamétrie.

L'étude insiste sur le fort écart entre la réalité du public et la perception des communicants. Comment expliquer ce décalage ?

Sonia Metché : Je considère que les communicants maximisent l'impact des réseaux sociaux et des nouveaux formats, ce qui est tout à fait réel en termes de progression des usages. Ce décalage arrive en post-pandémie. Les communicants sont dans une dynamique logique pour eux. Ils sont influencés par les usages du jeune public et de l'avant-garde. C'est leur métier. D'un côté, il y a la perception professionnelle et, de l'autre, le grand public.

Selon l'étude, les professionnels estiment que le public recourt désormais davantage aux influenceurs sociaux (52 %) et aux podcasts (43 %). Pourtant, respectivement seulement 7 % et 5 % de ce public affirment qu'ils les utilisent davantage. Les stratégies de communication donnent-elles trop d'importance aux influenceurs sociaux et aux podcasts ?

Sonia Metché : Tout dépend de l'objectif, de la nature de la marque. Aujourd'hui, toutes les stratégies optent pour du multicanal. Mais, effectivement, le décalage est assez frappant pour les podcasts. 43 % des professionnels européens pensent que les podcasts sont davantage utilisés. Or, seulement 5 % de ce public affirme qu'il s'y intéresse davantage. En 2020, seulement 16% des consommateurs français ont écouté des podcasts, ou encore seulement 9% des britanniques. Il y a eu un fort bruit médiatique autour des podcasts. C'est vrai qu'ils sont plus utilisés, mais pas dans les proportions imaginées. Quant aux influenceurs, il ne faut pas surestimer leur impact, d'autant qu'il est difficile à mesurer, sauf si l'influenceur est totalement transparent.

Christophe Dickès : On peut se poser la question, bien que je pense qu'il est trop tôt pour avoir la réponse : est-ce qu'à terme cette génération des 16-34 ans va peu à peu prendre des distances avec les réseaux sociaux, soit du fait de la polarisation, soit du fait du peu d'intérêt que cela peut présenter pour certains.
Une étude sur ce phénomène devrait prendre en compte les différents types de secteurs économiques. Si on est dans le luxe, la beauté, ce n'est pas la même chose que si on est dans le monde du livre, de la culture.
«Aujourd'hui, on vit dans le monde de l'infobésité. 80 % du temps des professionnels de la com est consacré à classer, à détecter l'information. Seulement 20 % est dédié à l'analyse. »
Christophe Dickès - Global Copyright Director de Kantar

Près de trois professionnels sur quatre (71 %) considèrent qu'il y a trop de données inutiles et pas suffisamment d'insights. Comment peut-on faire le tri entre toutes ces données ?

Christophe Dickès : Aujourd'hui, on vit dans le monde de l'infobésité. 80 % du temps des professionnels de la com est consacré à classer, à détecter l'information. Seulement 20 % est dédié à l'analyse. Ce rapport devrait être inversé. On devrait passer plus de temps à analyser l'information qu'à essayer de la trouver, de la chercher, de la contextualiser. Le travail de Kantar est de trouver l'info en fonction du client.

Sonia Metché : 84 % des communicants en France estiment que l'accès à des données fiables est un facteur clé de succès. L'enjeu de la fiabilité s'est renforcé avec le digital. Il est toujours difficile de trouver l'information, de la trier, d'interpréter des indicateurs digitaux qui sont silotés, et qui ne sont pas du tout normalisés puisqu'ils sont propres à chaque plateforme. Cela rajoute de la confusion. Un nombre de followers n'a rien à avoir avec le nombre de vues sur Youtube. C'est la vue d'ensemble qui est complexe. On intervient dans la clarification, on se force à objectiver ces données en les mettant en perspective pour ne pas en exagérer certaines et en minorer d'autres.

Christophe Dickès : Notre étude « Dimension » actait le fait qu'il vaut mieux avoir 100 likes d'un public engagé sur Twitter ou Instagram, qui s'intéressera vraiment au sujet mis en avant dans une campagne de communication, que 1 000 likes sur un public qui n'est pas engagé. Engagé, cela signifie prêt à un acte d'achat.
Notre prochain webinaire
Partager ce contenu
Envie de parcourir la jungle des contenus avec nous ?

S'inscrire à notre newsletter

Inscrivez-vous à la newsletter Story Jungle

Explorer les nouvelles narrations et les nouveaux usages des contenus.
A lire ou à voir également sur le même sujet

« Le milieu du podcast est désormais davantage dans une démarche d’entreprise que de start-up Â»

« Le milieu du podcast est désormais davantage dans une démarche d’entreprise que de start-up Â»

Le Paris Podcast Festival a pris fin ce dimanche 23 octobre, après quatre jours de rencontres. 300 intervenants, 80 événements : l'événement a été riche,...

Le Paris Podcast Festival a pris fin ce dimanche 23 octobre, après quatre jours de rencontres. 300 intervenants, 80 événements : l'événement a été riche, réunissant plus de 8 000 visiteurs à la Gaîté Lyrique, à Paris. Nina Cohen, directrice du Paris Podcast Festival, fait le point sur cette cinquième édition, placée sous le signe de la « puissance de la douceur Â». Interview.

GP Explorer 2 : « un ROI au-delà de nos attentes Â»

GP Explorer 2 : « un ROI au-delà de nos attentes Â»

C'était l'un des événements les plus attendus de l'année sur Twitch et, comme prévu, la deuxième édition du GP Explorer de Squeezie a fait péter tous les compteurs !...

C'était l'un des événements les plus attendus de l'année sur Twitch et, comme prévu, la deuxième édition du GP Explorer de Squeezie a fait péter tous les compteurs ! Au grand plaisir des marques partenaires.

Comment Meta veut digitaliser la Coupe du monde de rugby

Comment Meta veut digitaliser la Coupe du monde de rugby

J-7 avant le lancement de la Coupe du monde de rugby en France ! Parmi toutes les opérations de communication qui fleurissent un partout autour de l'évènement,...

J-7 avant le lancement de la Coupe du monde de rugby en France ! Parmi toutes les opérations de communication qui fleurissent un partout autour de l'évènement, celle orchestrée par Meta mardi dernier intrigue un peu plus que les autres. Et pour cause, elle marque un essai ambitieux que le mastodonte californien doit maintenant transformer...

Benoît Raphaël : Information, l'indigestion

Benoît Raphaël : Information, l'indigestion

C'est un « voyage au bout de l'info Â» que propose l'entrepreneur, et auteur, journaliste spécialisée dans les usages de l'intelligence artificielle Benoit RaphaÃ...

C'est un « voyage au bout de l'info Â» que propose l'entrepreneur, et auteur, journaliste spécialisée dans les usages de l'intelligence artificielle Benoit Raphaël dans son livre « Information : l'indigestion Â», un manuel pour penser par soi-même dans le chaos de l'info, publiée aux éditions Eyrolles.

Anne-Claire Genthialon : « Le métier passion comporte une promesse individuelle : celle de l’accomplissement d’une destinée»

Anne-Claire Genthialon : « Le métier passion comporte une promesse individuelle : celle de l’accomplissement d’une destinée»

Le métier passion consume tout autant qu'il fait vibrer. C'est cette relation ambivalente que décortique Anne-Claire Genthialon dans Le piège du métier passion,...

Le métier passion consume tout autant qu'il fait vibrer. C'est cette relation ambivalente que décortique Anne-Claire Genthialon dans Le piège du métier passion, publié aux éditions Alisio.

Partenariats marques - créateurs : LinkedIn dégaine son tag

LinkedIn vient d'annoncer plusieurs modifications concernant la publication de contenus issus d'un partenariat entre une marque et un ou plusieurs créateurs.

LinkedIn vient d'annoncer plusieurs modifications concernant la publication de contenus issus d'un partenariat entre une marque et un ou plusieurs créateurs.

Claire Touzard, autrice de Féminin : "Il faut davantage de liberté de parole"

Claire Touzard, autrice de Féminin : "Il faut davantage de liberté de parole"

Claire Touzard est celle qui ose. Après avoir brisé le tabou de l'addiction à l'alcool dans le pays où le verre de vin est roi, dans un journal de bord intitulé Sans alcool...

Claire Touzard est celle qui ose. Après avoir brisé le tabou de l'addiction à l'alcool dans le pays où le verre de vin est roi, dans un journal de bord intitulé Sans alcool, elle s'attaque dans Féminin, un roman d'auto-fiction ,au modèle économique de la presse féminine, et dans une plus large mesure au capitalisme.

« Rétablir la confiance dans les médias : un enjeu démocratique majeur Â»

« Rétablir la confiance dans les médias : un enjeu démocratique majeur Â»

Montrer l'envers d'un décor souvent fantasmé, raconter la réalité "prosaïque" du métier de journaliste. Telle est la mission de Gilles Van Kote,...

Montrer l'envers d'un décor souvent fantasmé, raconter la réalité "prosaïque" du métier de journaliste. Telle est la mission de Gilles Van Kote, directeur délégué aux relations avec les lecteurs au Monde, depuis 2020. Un rôle primordial pour garder le lien avec son audience, dans un contexte de méfiance envers les médias.

Publicité : TikTok mord, Instagram danse

Même s'il est encore loin des résultats obtenus par Instagram, TikTok s'impose petit à petit comme un outil marketing particulièrement utile pour les agences comme pour les...

Même s'il est encore loin des résultats obtenus par Instagram, TikTok s'impose petit à petit comme un outil marketing particulièrement utile pour les agences comme pour les annonceurs. Grâce, notamment, au lancement de TikTok Shop.

Le Digital Services Act : game changer pour les annonceurs ?

Le Digital Services Act : game changer pour les annonceurs ?

Voté en juillet 2022 par l'Union européenne, le Digital Services Act, qui vise à protéger les internautes européens des dérives du numérique,...

Voté en juillet 2022 par l'Union européenne, le Digital Services Act, qui vise à protéger les internautes européens des dérives du numérique, est entré en vigueur ce vendredi 25 août. Concrètement, qu'est-ce que ça change pour les utilisateurs comme pour les annonceurs ? Story Jungle fait le point.

Ruben Hassid, l’IA dans tous ses états

Ruben Hassid, l’IA dans tous ses états

Ruben Hassid est un créateur de contenus israélien spécialisé dans l'IA

Ruben Hassid est un créateur de contenus israélien spécialisé dans l'IA

Yoanna Dallier, la freestyleuse de LinkedIn

Yoanna Dallier, la freestyleuse de LinkedIn

À tout juste 23 ans, Yoanna Dallier affiche un sacré palmarès dans cette discipline méconnue qu'est le football freestyle.

À tout juste 23 ans, Yoanna Dallier affiche un sacré palmarès dans cette discipline méconnue qu'est le football freestyle.

Bientôt la suppression des hashtags sur LinkedIn ?

L'utilisation et l'impact des hashtags sont en baisse sur la plateforme. LinkedIn pourrait prendre la décision de les supprimer définitivement.

L'utilisation et l'impact des hashtags sont en baisse sur la plateforme. LinkedIn pourrait prendre la décision de les supprimer définitivement.

DSA : Meta réfléchit à des abonnements pour Facebook et Instagram

Pour se conformer au Digital Services Act européen, qui fait la chasse aux publicités ciblées, Meta pourrait proposer des abonnements payants pour Facebook et Instagram.

Pour se conformer au Digital Services Act européen, qui fait la chasse aux publicités ciblées, Meta pourrait proposer des abonnements payants pour Facebook et Instagram.

Les newsletters LinkedIn font peau neuve

Depuis le lancement du format en 2017, LinkedIn a enregistré plus de 365 millions de souscriptions à ses newsletters. Mieux : avec plus de 1,...

Depuis le lancement du format en 2017, LinkedIn a enregistré plus de 365 millions de souscriptions à ses newsletters. Mieux : avec plus de 1,3 million de lecteurs quotidiens, l'audience des newsletters LinkedIn a triplé depuis l'an dernier. Un franc succès, que LinkedIn compte entretenir en annonçant une série de nouveautés disponibles d'ici la fin de l'été.

Marché de l'influence : la fin du Far West ?

Marché de l'influence : la fin du Far West ?

Faut-il créer un statut d'influenceur ? Doit-on soumettre les contenus rémunérés aux contraintes du marché de la publicité ? Doivent-ils être validés par une autorité...

Faut-il créer un statut d'influenceur ? Doit-on soumettre les contenus rémunérés aux contraintes du marché de la publicité ? Doivent-ils être validés par une autorité compétente ? Doit-on mettre en place des systèmes de vérification automatisés pour les placements de produits ?

20 Mint : le pari fou de 20 minutes pour décrypter le Web 3.0

20 Mint : le pari fou de 20 minutes pour décrypter le Web 3.0

Laurent Bainier, journaliste à 20 minutes a un projet fou : décrypter le Web 3 en inventant un média complètement immergé dans le Web 3.

Laurent Bainier, journaliste à 20 minutes a un projet fou : décrypter le Web 3 en inventant un média complètement immergé dans le Web 3.

Comment Dassault Systèmes a investi TikTok

Comment Dassault Systèmes a investi TikTok

En juillet dernier, Dassault Systèmes, une marque B2B s'il en est, se lançait sur TikTok. 7 mois plus tard, la marque compte 63 000 abonnés et plus d'un millions de likes,...

En juillet dernier, Dassault Systèmes, une marque B2B s'il en est, se lançait sur TikTok. 7 mois plus tard, la marque compte 63 000 abonnés et plus d'un millions de likes, un post à plus de 7 millions de vues et plusieurs flirtant avec le million.

Un média consacré aux nouveaux formats et à LinkedIn.
close
{POPUP_CONTENT}