De la révolution des formats au sein des nouveaux médias
Du 18 au 19 mai, « Stratégies » a organisé une série de conférences autour des nouveaux formats qui « révolutionnent les médias ». Compte rendu des tables rondes.
«Aujourd'hui, c'est le contenu qui est roi (...) nous avons décidé de proposer des contenus 100 % originaux, avec abonnement»
Le nouvel âge d'or de l'audio
« L'audio prend de plus en plus de place, avec l'essor des technologies, la révolution des enceintes connectées. Les utilisateurs se sont approprié les nouvelles fonctionnalités sans qu'on en fasse la publicité », estime Mathieu Gallet, ancien président de Radio France, qui a ouvert le bal des conférences diffusées en live. Selon la dernière étude Médiamétrie de mars 2021, la radio numérique a enregistré des chiffres record en mars 2021, avec pas moins de 178 millions d'écoutes en France – soit une augmentation de 14 % par rapport à la moyenne de 2020.Après avoir tâtonné entre plusieurs propositions éditoriales, le fondateur de Majelan a fait le choix du format court. Depuis le 7 juillet 2020, l'application de podcast se concentre désormais sur des contenus – courts et payants – autour des notions de développement personnel, de compétences, de ce que Mathieu Gallet appelle les « soft skills ».
Les données recueillies par la société soulignent une baisse du taux de complétion au bout de vingt minutes : « Nous avons fait le choix de formats courts pour ne pas nous confronter à Fortnite, Disney+ ou Netflix [...], partage Mathieu Gallet. Nous ne sommes pas encore sur un marché mature, comme l'est la SVOD. Cependant, le marché de l'audio progresse rapidement : les réseaux sociaux, favorisés par l'arrivée de Clubhouse, s'y mettent tour à tour. Twitter est en tête avec ses fameux "Espaces", que vous avez certainement vus dans vos applications. ».
La stratégie gagnante repose sur la promesse d'un contenu original fort. « Aujourd'hui, c'est le contenu qui est roi. Netflix et Disney ont eu des résultats décevants parce qu'ils n'ont pas proposé de contenus forts. Nous, nous avons décidé de proposer des contenus 100 % originaux, avec abonnement », explique encore Mathieu Gallet.
Podcast : « encore à la préhistoire »
Après le levier publicitaire, le « brand content », le financement participatif, l'adaptation en livre, l'écosystème du podcast se diversifie. Lors de l'Apple Event, qui a eu lieu le 20 avril, Tim Cook, le PDG d'Apple, a annoncé la mise en place d'un nouveau service : le lancement d'abonnements payants pour les créateurs de podcasts, au sein de l'application. Apple prendra une part de 30 % sur les revenus générés par les créateurs la première année, et de 15 % par la suite. En parallèle, Spotify lance un service d'abonnements similaire, sans commission jusqu'en 2023.«La jeune génération – qui nous suit – déteste la pub mais adore les marques»
Vidéo : la forme au service du fond
À l'heure de la réouverture en grande pompe des salles de cinéma, la deuxième journée de conférences a porté sur la révolution des usages et des formats vidéo. Guillaume Lacroix, cofondateur de Brut (et dernièrement de Brutx, une offre de streaming), est ainsi revenu sur les valeurs de Brut, média assez emblématique pour la jeune génération. Pour rappel, ce pure player, qui s'inspire des formats développés par Nowthis, Buzzfeed ou encore AJ+, a été lancé fin 2016 et est très actif sur les réseaux sociaux. Populaire en France – 14 millions de spectateurs quotidiens –, il connaît un développement à l'international sur les marchés indien, africain et américain.La forme est au service du fond soutient Guillaume Lacroix : « Souvent, Brut est ramené à sa forme. Ce n'est pas très juste, estime-t-il. La forme est liée aux réseaux sociaux : on met des sous-titres parce que 70 % de nos vidéos sont consommées sans son. C'est un format carré et vertical car il y a plus d'engagement sur les téléphones portables. Ce sont des choses pratiques. Mais je pense que ce sont les valeurs générationnelles qui définissent Brut. » Plus que les algorithmes et une approche « data driven », les communautés représentent le moteur de la ligne éditoriale. « Quand on a commencé à parler des droits des femmes, la conversation sur les réseaux sociaux était de l'ordre de 0,5 %. Si on avait eu une approche data driven, on n'aurait jamais abordé le sujet », poursuit-il. « La jeune génération – qui nous suit – déteste la pub mais adore les marques »
«Il n'y a aucune raison pour que Carrefour, par exemple, ne devienne pas le média majeur d'information sur l'alimentation »
Brut a rapidement intégré la nécessité de parler aux communautés... et aux marques. Guillaume Lacroix est parti d'un constat simple : « L'audience qui nous suit déteste la pub et adore les marques. » C'est donc assez naturellement que Brut a créé un format en partenariat avec des marques pour raconter leur engagement. En adoptant une vision assez décomplexée, le cofondateur de Brut explique que les marques constituent une véritable source d'information « pour peu que ce soit traité de manière intègre et légitime ».
Avec une vidéo de présentation de Respire, la marque de déodorants éco-responsable, Brut a fait vendre « 200 000 euros de déos ». « Il n'y a aucune raison pour que Carrefour, par exemple, ne devienne pas le média majeur d'information sur l'alimentation », poursuit-il. « J'imagine que ça peut faire hurler des journalistes », lance-t-il lucide. Pour l'entrepreneur, la convergence entre médias et commerce ne va faire que s'accélérer dans les deux prochaines années. « La vision traditionnelle, c'est les médias d'un côté et le commerce de l'autre. On voit bien qu'elle a complètement explosé en Chine », constate-t-il.