Les réseaux sociaux oubliés : Myspace
Avant TikTok, Instagram, Twitch et compagnie, il y avait Myspace, Skyblog, MSN et d'autres réseaux sociaux désormais passés aux oubliettes. Story Jungle vous propose un retour en arrière.
Myspace, késako ?
Créé en 2003, Myspace a fait de la musique son ADN. Plateforme de diffusion et de stockage, le réseau social permet de partager également des informations sur des événements à venir : concerts ou festivals. Vice explique même qu'« à la fin des années 2000, presque toutes les personnes que vous connaissiez étaient sur Myspace ». Voyez ce réseau social comme Instagram ou TikTok aujourd'hui : celui où tous vos amis sont et sur lequel vous bondissez dès que vous avez un peu de temps libre. « Je considère Myspace comme une sorte de Far West de l'Internet, où les utilisateurs avaient le contrôle sur leur profil et où les grandes entreprises avaient peu d'influence, contrairement à Facebook et Instagram avec leurs publicités constantes », explique une ancienne utilisatrice à Vice.En route pour la gloire
À l'origine de Myspace, deux entrepreneurs californiens, Tom Anderson et Chris DeWolfe, qui se rencontrent à eUniverse, une société de marketing digital. La plateforme devient rapidement un phénomène. Entre 2004 et 2006, la croissance est fulgurante : 100 millions d'utilisateurs mondiaux, plus de 7 millions de nouveaux membres chaque mois, mais surtout 3 milliards de pages vues par jour et la présence de 3 millions d'artistes. Friendster, un réseau social malaisien, est engloutie par l'Angelino. Des chiffres à la hauteur du rachat par le magnat des médias,Rupert Murdoch, en 2005, qui s'offre le réseau pour 580 millions de dollars ! Derrière cette somme, un investissement : la croyance en un futur dont les fondations reposeraient sur le World Wide Web.Pendant plusieurs années, les résultats lui donnent raison. En 2009, Myspace fait partie des 10 sites les plus visités au niveau mondial et aurait même devancé Google.
La chute
Mais le succès ne dure qu'un temps : en 2011, Murdoch revend en catastrophe le réseau social et qualifie son rachat « d'énorme erreur ». De son propre aveu, Murdoch estime que son groupe News Corp l'a « mal géré sur tous les aspects ». Justin Timberlake rachète la société pour 35 millions de dollars, soit 16 fois moins que le prix fixé en 2005. En parallèle, l'émergence de nouveaux réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter ou Instagram précipite la chute de celui qui fut roi.Si certains pointent du doigt Facebook, le vidéaste ColdFusion présente un point de vue différent. Le youtubeur a relevé plusieurs défauts lors de l'apogée de Myspace : l'utilisation d'un langage de programmation obsolète (du nom de ColdFusion), alors même que le site se développait rapidement. Par ailleurs, l'inexistence d'un filtre anti-spam n'a pas contribué à créer un espace agréable où les jeunes pouvaient se sentir en sécurité. Sean Parker – premier président de Facebook – a lui-même avoué lors d'une conférence que la réussite de l'entreprise fondée par Mark Zuckerberg vient essentiellement de l'explosion en plein vol de Myspace. Sans ces mauvaises décisions, Facebook n'aurait peut-être pas eu la réussite qu'on lui connaît.
Quelle évolution dans les années 2010 ?
En 2013, le site évolue. Avec une nouvelle charte graphique et de nombreuses fonctionnalités, l'objectif est clair : relancer un réseau social prometteur qui a encore sa place. Car personne n'a su combler le vide qu'il a laissé : les services de streaming musicaux commencent tout juste à aborder l'aspect social, exception faite de SoundCloud et Spotify (les choses n'ont pas beaucoup évolué depuis 2012). Mais cette tentative n'a pas porté ses fruits : en 2019, Myspace ne compte plus que 30 millions d'utilisateurs mensuels.En mars 2019, la société propriétaire du réseau social, Specific Media (entre-temps rachetée par Time Inc.) annonce la perte des données musicales uploadées entre 2003 et 2015. Le réseau social avance la thèse d'un accident : « À la suite d'un projet de migration de serveur, il est possible que les photos, vidéos et fichiers audio que vous avez uploadés il y a plus de trois ans ne soient plus disponibles sur Myspace. » Dans le même temps, des utilisateurs pensent que l'entreprise a saisi l'occasion pour économiser bande passante et stockage sur ses serveurs. Andy Baio (ancien directeur technique de Kickstarter)explique sur Twitter qu'il est « très sceptique sur l'aspect accidentel. L'incompétence flagrante peut être mauvaise pour les relations publiques, mais ça reste mieux que de dire "on ne veut pas faire l'effort de payer le coût de transférer et héberger 50 millions de vieux MP3" ». La société Internet Archive est parvenue à récupérer 450 000 fichiers disparus en 2019, une maigre consolation : cela représente moins de 1 %.
Le scandale mêlant Facebook et Cambridge Analytica explose en 2018, lorsque Christopher Wylie (ancien directeur de recherche) révèle l'utilisation massive de données personnelles. Dès lors, de nombreux utilisateurs regrettent que – dix ans plus tôt – Facebook ait gagné sa bataille l'opposant à Myspace. Sur Twitter, ils sont nombreux à déplorer la « disparition » du média. Encore aujourd'hui, certains expliquent l'apport qu'a pu avoir Myspace dans leur vie.
En novembre 2020, un nouveau média social fait son apparition. Du nom de SpaceHey, il est largement inspiré du design de Myspace dans les années 2000. Son créateur d'origine allemande – qui se fait appeler An – avait à peine 18 ans lors de la création du site. « SpaceHey est une nouvelle expérience de réseautage social qui se concentre principalement sur deux aspects absents de la plupart des plateformes modernes : la personnalisation et la vie privée (...) Le site est presque identique à ce qu'était Myspace à son apogée : il comprend des blogs, des bulletins d'information, une fonction de messagerie instantanée à l'ancienne et, surtout, la possibilité d'utiliser le HTML et le CSS pour personnaliser votre profil avec de jolies mises en page, des images et de la musique », explique Vice. Comme le note le magazine, « le climat des réseaux sociaux est en crise » mais ce site laisse apparaître de belles perspectives...