"Ma mission, en tant que journaliste à la BBC, est de conquérir de nouveaux publics qui sont un peu délaissés"
BBC World Service innove. La chaîne anglophone a publié son premier documentaire Instagram : une nouvelle façon de s'engager et d'attirer une audience plus jeune sur la plateforme. The Instagram witches of Brooklyn - un reportage en format vertical de 10 minutes - nous fait découvrir le mouvement spirituel de la « brujeria » (sorcellerie) qui a gagné en popularité grâce à Instagram. La réalisatrice et journaliste à la BBC, Sophia Smith Galer évoque avec nous l'attrait de la plateforme. Très présente sur TikTok (78 000 abonnés), elle nous parle également de l'importance de plus en plus forte de l'application chinoise dans la diffusion d'informations.
D'où est venue l'idée d'un documentaire adapté à Instagram pour la BBC ? Quel était votre objectif ?
Sophia Smith Galer – Ma mission, en tant que journaliste à la BBC, est de conquérir de nouveaux publics qui sont un peu délaissés – Instagram est la plateforme idéale pour raconter des histoires qui attirent et mobilisent des segments démographiques plus jeunes. C'est, bien sûr, un atout qui vient s'ajouter au fait que le documentaire lui-même portait sur la façon dont ces femmes utilisent Instagram. Je précise que le reportage a été tourné avant la mise en place des restrictions sanitaires. Il a d'abord été filmé horizontalement puis redimensionné et recadré pour Instagram.
Quels retours avez-vous eus ? Quels sont les avantages d'Instagram pour ce type de contenu ?
S.S.G. – Depuis sa mise en ligne le 1er avril, le reportage a été visionné plus de 10 000 fois... La communauté des brujas [sorcières] étant très active sur Instagram, j'étais sûre de pouvoir compter sur un engagement pérenne et qualitatif de l'audience, car les médias traditionnels ne se sont quasiment jamais intéressés à ces femmes ou à leurs pratiques religieuses. Ça été un franc succès par rapport à nos chiffres habituels sur IGTV et j'ai été particulièrement impressionnée par le nombre d'utilisateurs qui ont archivé la vidéo dans leurs collections ou qui l'ont envoyée en privé à un ou une amie. En tant que journaliste, ces interactions cachées sont l'indicateur essentiel à mesurer – elles révèlent vraiment que l'impact du film a poussé beaucoup de gens à le partager avec leur entourage proche.Des sources d'inspiration influencent-elles vos vidéos sur Instagram ? Quels sont vos conseils pour la création d'une vidéo efficace pour des réseaux sociaux tels qu'Instagram ?
S.S.G. – Je m'inspire énormément d'Olivia Le Poidevin, une excellente réalisatrice sur le numérique pour BBC Minute (70 000 followers), un autre compte Instagram de BBC World Service qui produit des contenus géniaux pour le jeune public (des stories colorées, dynamiques et très pédagos où se mêlent interviews, graphismes, dessins, et sondages à l'image de cette story explicative sur le coronavirus)
J'aime beaucoup les films que Megha Mohan, journaliste spécialisée dans les questions de genre et d'identité à la BBC, réalise avec Yousef Eldin : leurs contenus intègrent quelques éléments qui rappellent le style de YouTube, sans pour autant perdre ce qui fait la spécificité ou la force de la BBC. C'est exactement le style que je souhaite imiter.
«Mon conseil, c'est une vidéo bien rythmée qui mobilise des hashtags pertinents et qui n'a pas peur de jouer avec les contenus des utilisateurs.»
En parlant de digital storytelling et de jeunes audiences, vous êtes aussi une célébrité sur TikTok. Votre compte @sophiasmithgaler est suivi par près de 78 000 abonnés. Pour l'heure, la BBC n'a pas de compte officiel. Quelle est votre vision sur la plateforme, en tant que journaliste ?
S.S.G. – De nombreux éditeurs de presse découvrent que le public est demandeur de contenus éclairés et inspirants. Mais beaucoup d'utilisateurs sur TikTok n'ont pas envie de voir des marques sur la plateforme, par opposition à des personnes – s'il y a bien une chose qui cartonne sur TikTok, ce sont les fortes personnalités. C'est pour ça que le Washington Post a un tel succès avec Dave Jorgenson. Une marque TikTok sans visage sera limitée au caractère plus ou moins reconnaissable de ses contenus et à l'audience qu'elle peut espérer bâtir. À titre personnel, ce que je publie sur les coulisses du journalisme fonctionne bien et je reçois tous les jours des MP de jeunes qui veulent se lancer dans ce milieu. C'est encourageant de voir des jeunes qui veulent devenir journalistes (j'ai 25 ans, je faisais donc partie de ce groupe il n'y a pas si longtemps) et si mes contenus sur TikTok peuvent susciter de l'intérêt pour la profession, alors c'est forcément une bonne chose selon moi.
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