Snapchat, quelles tendances, quels formats privilégier ?
Alors que Snapchat a annoncé sa grille de rentrée, le 30 septembre, Story Jungle a échangé en live avec Patrick Heneghan, Marketing Lead Southern Europe de Snap. À l'heure où la plateforme fête ses dix ans, on a évoqué les dernières tendances qui l'animent, ses audiences, ses nouveaux formats, son positionnement face à Instagram et TikTok. Entretien.
Snap France a annoncé sa grille de rentrée, un peu à la manière des chaînes de télé. L'approche est originale pour une plateforme sociale. Vous vous percevez comme un bouquet de chaînes de télé ?
Effectivement. C'est un type de présentation que l'on avait déjà choisi l'année dernière. Cette grille de rentrée représente la façon dont on aborde les contenus. Proposer des contenus éditorialisés, pensés, à nos utilisateurs, nous tient à cœur. Des équipes éditoriales s'assurent que les contenus sont représentatifs de la société française, à la fois en termes de thématiques abordées, de diversité, d'âges ciblés. On s'est dit que c'était pertinent de se présenter comme une chaîne de télé ou de radio. On y a présenté nos grandes orientations pour la saison à venir.Snapchat France, c'est 13 millions de Snapchatters français, 17 millions d'utilisateurs uniques quotidiens en France qui se connectent 30 fois par jour. Qui sont les Snapchatters ?
Ce sont beaucoup de Français. Cela représente 17 millions de personnes qui se connectent chaque jour et 24 millions chaque mois. Les chiffres proviennent de Médiamétrie avec qui on a lié un partenariat unique. On leur fournit directement nos données afin qu'ils puissent les vérifier.Nous sommes les seuls à avoir mis ce dispositif en place. Nous ne sommes plus un média de niche, mais un média de masse : les Snapchatters sont évidemment plutôt jeunes, mais aujourd'hui, on touche 80 % des 13-34 ans. La moyenne d'âge du Snapchatter tourne autour de 30 ans sur le mois.
Le Snapchatter a vieilli...
En septembre 2011, on se lançait. Le mois dernier, on fêtait les 10 ans. Ce qu'on a constaté, c'est que le Snapchatter actif est resté avec nous tout au long de notre évolution. Au cœur de Snapchat, il y a un usage clé qui est la messagerie : le Snapchatter est quelqu'un qui se sert de Snapchat avant tout comme une plateforme pour communiquer avec ses amis. Au-delà de ce moyen de communication, on a créé d'autres usages comme les programmes qui sont sur Discover, des jeux ou des maps. Les Snapchatters ont plus tendance à communiquer visuellement, par la vidéo ou par la photo, pour poser une question et rester en contact avec des amis.Dans vos portraits-robots, vous décrivez Marine, 35 ans, mariée, deux enfants, « digital mum » ou encore Antoine, cadre de 39 ans, businessman... On a l'impression qu'il est important pour vous d'expliquer au marché que votre audience a un peu vieilli, qu'elle est plus large qu'on ne le pense, notamment sur Discover.
Oui, parce qu'au fond, il s'agit d'une application assez secrète, privée. C'est une application de communication où, par définition, les contenus sont éphémères : on est dans le respect de la « privacy » de l'utilisateur. C'est quelque chose qui est extrêmement important pour nous puisque c'est de cette manière que l'on garde la confiance de nos utilisateurs. Cet usage de communiquer avec ses amis proches en s'envoyant des mots doux ou des photos rigolotes n'est pas réservé aux jeunes – même s'ils apprécient une plateforme créative. Il n'y a pas d'âge pour parler aux gens qu'on aime. Ce que l'on voit, c'est que la plateforme vieillit avec ses utilisateurs principaux. Antoine, le cadre dynamique, a peut-être des enfants ados avec qui il ne communique que par Snap. Ils sont sur Snap sans forcément s'en rendre compte, mais mine de rien, ils s'en servent tous les jours.
Ajouter des contenus dans Discover, notamment pour des publics un peu plus âgés, c'est aussi une façon de donner plus de valeur à Snap pour ces publics-là, à l'image des contenus de Paris Match ou de Business Insider.
Jusqu'à présent, vous aviez 140 shows sur Discover, réalisés par plus de 40 partenaires français, des formats courts – la conversation avec le Président menée par Brut sur Snapchat, des formats plus conversationnels comme ceux du Monde, des formats longs Brut X. Aujourd'hui, vous annoncez 30 shows supplémentaires. Quelles sont les principales annonces ?
C'est en 2016 que l'on a lancé Discover en France. On est passé d'une quinzaine de partenaires à plus de quarante aujourd'hui, parmi lesquels les grands groupes média français : Prisma Presse, Mediawan, Melty, Konbini, Brut, Le Monde, Paris Match. On a une diversité de contenus provenant à la fois de médias historiques et d'acteurs digital natives qui viennent proposer sur Snap un format vidéo pensé pour un téléphone mobile. On explore une diversité de contenus, courts et longs, sérieux ou non. Ce que fait Le Monde sur le traitement de l'actu est fascinant : on aborde vraiment des problématiques très sérieuses, mais avec un angle didactique, comme l'affaire des Pandora Papers. La plus grosse annonce concerne un partenariat avec un acteur majeur de l'audiovisuel – le groupe M6. On est honorés de ce partenariat.Donc c'est Top Chef, par exemple. Ce sera des résumés des programmes emblématiques de la chaîne ?
Exactement, cela accompagnera les sorties de ces émissions tout au long de l'année, au moment de la sortie de Top Chef ou de Cauchemar en cuisine. Je ne sais pas encore quelle sera la nature exacte du contenu. On va explorer avec M6 ce qui a de la valeur : faire un résumé de l'épisode ? des éléments supplémentaires ?Ça, ça fait partie de l'exploration menée avec les éditeurs. C'est aussi ce qui nous passionne : trouver un peu le bon contenu complémentaire à ceux de M6. Donc, ce sera vraiment une notion de programmation qui sera mise en oeuvre sur toute l'année.
C'est ce genre de partenariat que vous êtes appelés à multiplier. Vous êtes encore dans une logique de développement de Discover ?
Absolument. Discovery est une plateforme qui ne propose que du contenu réalisé par des partenaires officiels. Je parle d'une relation avec des partenaires qui est contractualisée, qui suit des règles, une charte éditoriale, des engagements de chaque côté. Cela signifie que les partenariats et les contenus dans Discover ne sont que des contenus réalisés par des professionnels de la création de contenu, des journalistes, des éditeurs, des rédacteurs. Il n'y a pas de contenu UGC sur Discover.C'est vraiment une plateforme fermée. C'est l'une des grandes différences avec les autres plateformes digitales. Parce que nous avons tout de suite imposé un contrôle éditorial, une plateforme fermée pour s'assurer qu'on ne retrouve pas, par exemple, de contenu offensant, de contenu dommageable, de fake news.
On n'aura pas Russia Today ou Sputnik News sur Discover de sitôt. C'est vrai que c'est contre- intuitif par rapport à internet. Sur internet, on se dit que tout le monde peut venir mettre son contenu et tout vient se mélanger. L'UGC se mélange aux contenus des amis, qui se mélangent aux contenus des créateurs, et se mélange à la pub. Nous tenons absolument à éviter que tout ça se produise, en maintenant un contrôle strict sur qui a accès à la plateforme Discover.
Il y a une logique de brand safety derrière cela, vis-à-vis des annonceurs...
C'est très important, autant pour les annonceurs que pour les utilisateurs, pour que tout le monde se sente dans un environnement safe en brand safety, mais aussi en tant qu'utilisateur : que je sois sûr de ne pas tomber sur des contenus, des théories du complot, des contenus viraux.On essaie vraiment au maximum de préserver cette plateforme pour s'assurer de la qualité d'ensemble et qui bénéficie à tout notre écosystème.
Parmi les partenaires potentiels qui vous regardent, quel est le modèle qui vous lient avec eux ? C'est un modèle de partage de revenus ?
Absolument. La publicité est diffusée au sein d'une émission Discover : il y a plusieurs écrans publicitaires. Entre partenaires et Snapchat, il y a un partage de revenus publicitaires réalisés sur ces diffusions.En mai dernier, vous avez tenu une grande conférence. Vous avez annoncé de nombreuses nouveautés, d'annonces assez fortes autour de nouvelles fonctionnalités. Je pense notamment à Screenshot, qui permet d'acheter des looks similaires au look d'une personne prise en photo avec la caméra Snapchat. Il y a des évolutions aussi des fonctionnalités qui permettent d'essayer différents produits en réalité virtuelle. À côté de ça, le lancement de pages de marque... Est-ce votre réponse à Shop de Facebook ?
Ce qu'on fait, c'est toujours en réponse aux défis que l'on se pose nous-mêmes, donc ce n'est pas en réponse à ce que fait un concurrent.La réalité augmentée est une technologie qui permet de créer cette boutique virtuelle dans Snap pour découvrir des produits, les essayer et aller jusqu'à les acheter. Ce qui est fascinant avec nos utilisateurs, et pour les plus jeunes d'entre eux, c'est qu'un essai virtuel est un essai réel. Un essai virtuel peut être suffisant pour conduire à une décision d'achat. La réalité augmentée a tellement progressé aujourd'hui qu'elle permet de reconnaître les surfaces, la forme d'un corps, la morphologie, le poignet, les yeux, les pieds.
Il y a toute une convergence d'améliorations technologiques qui font qu'aujourd'hui cette réalité augmentée permet de faire des choses assez géniales en termes d'exploration, de découverte d'un produit. Tout cela s'est accéléré avec le covid. La clé, c'est la caméra snap qui est au cœur de toutes nos expériences. On se décrit comme une « caméra compagnie » parce qu'on essaie d'imaginer ce que l'on peut créer comme expérience avec internet et la caméra du smartphone. La réalité augmentée sert de fond pour soutenir ces expériences.
Récemment, Piaget a fait un test de poignet pour voir à quoi ressemblerait une montre Piaget sur poignet. On a aussi maintenant des créateurs qui utilisent le full body tracking avec casque de réalité augmentée pour proposer des modèles de robes.
C'est la partie expérientielle. À côté de ça, on a créé des profils de marques où on a rassemblé toutes ces Lens, construites par les marques. C'est un lieu pérenne auquel on a accès via la recherche. On est en train de travailler sur comment créer des connexions avec les pages de produits de ces marques. On va vers une expérience d'achat, la création d'une boutique virtuelle complète.
C'est quand même un pivot vers un modèle de shop en ligne. Est-ce que c'est avec ce type d'approche que vous souhaitez attirer tous les e-commerçants ? Quelle est la philosophie ?
C'est clair qu'on y voit un espace de développement formidable. On est à un stade où maintenant, la technologie permet de réaliser cette vision que l'on porte depuis un certain temps.Mais là, maintenant, la technologie est au point. On parle à des audiences qui sont habituées à recourir à l'e-commerce sur mobile. On souhaite créer la meilleure expérience possible pour les marques sur un mobile.
Aujourd'hui, sur le digital, ça ne suffit plus de faire juste des expériences de notoriété, de surfer sur des trends. Les annonceurs demandent des solutions full funnel. Ils demandent à ce qu'on puisse les accompagner.
Aujourd'hui, la réalité augmentée est disponible et facile d'accès à tous les annonceurs. On avait tendance à penser que c'était quelque chose de réservé aux grandes marques avec de gros budgets marketing. L'objectif pour nous est de démocratiser cette réalité augmentée pour que tous les annonceurs puissent s'en emparer. Pas seulement les annonceurs du CAC40, mais vraiment tous, jusqu'à la TPE. On a même un programme gratuit qui s'appelle Lens Web Builder, qui permet de commencer tout seul à créer ses propres expériences.