« Le contenu représente l’essentiel de la communication : Content is King »
Depuis janvier 2018, Frédéric Fougerat dirige – entre autres – la communication du groupe Foncia, spécialisé dans l'administration de biens et la transaction immobilière. Ce professionnel du verbe partage avec nous sa stratégie et sa vision de la communication, à l'ère des réseaux sociaux et des polémiques à répétition, et insiste sur l'importance du contenu. Entretien.
D'un point de vue général, le secteur de l'immobilier se montre discret dans sa communication. Quelle est la stratégie d'un spécialiste des services immobiliers résidentiels comme Foncia ?
Depuis deux ans, je dirige la communication de Foncia, aux côtés de Philippe Salle, président du groupe. Je m'assure que les fondamentaux ont été assimilés en axant sur un travail de fond, pour pouvoir instaurer une communication efficace. Notre choix a pour le moment été de ne pas prendre trop la parole à l'extérieur, avant d'avoir opéré une véritable transformation de l'entreprise. Ce qui explique une communication très modeste. Notre secteur – les services immobiliers résidentiels – n'est d'ailleurs pas connu pour être très communicant. Du fait de cette communication timide, nous sommes mal connus, à commencer par nos clients qui discernent mal nos missions et notre travail. Ils ignorent, même parfois, pourquoi ils nous payent. Ce qui peut créer de l'incompréhension et des tensions. Il est important d'adopter une communication pédagogique, qui aura pour but de faciliter les échanges avec nos clients et nous permettre de mieux nous affirmer dans cet environnement concurrentiel.Le travail de notoriété n'est plus à faire, car en tant que leader du marché, elle est déjà acquise. En revanche, il faut travailler sur la réputation. La communication et la publicité peuvent nous y aider. Nous avons par exemple un partenariat de contenus avec une nouvelle émission de Sud Radio, « On parle Immo », de Marc Ezrati, seule émission radio consacrée entièrement à l'immobilier. Chaque samedi, j'y assure donc une chronique consacrée à des questions pratiques comme les erreurs à éviter lors d'un premier achat immobilier, les différences entre mandat simple et mandat exclusif, le droit de préemption... Il ne s'agit pas uniquement d'avoir un billboard en amont ou à la fin de l'émission, mais de contribuer véritablement au contenu de l'émission. Non pas en venant faire la promotion de nos offres et services, mais en faisant la promotion de l'expertise et de nos métiers. Ces interventions nourrissent cette communication pédagogique à laquelle nous tenons.
Le Monde a sorti fin septembre un article sur « la jungle des agences immobilières ». Aujourd'hui, si le secteur est en forte croissance, il est difficile de se démarquer : « Dans cet eldorado, aucun leader, aucune marque ne domine. Le secteur reste émietté. » Comment parvenir à sortir du lot ?
Le monde de l'immobilier est multiple : c'est à la fois celui de la promotion, de la vente et de l'administration de biens. Foncia est leader sur la gestion locative et l'administration de biens : premier loueur de France et premier syndic de France. Mais le marché est très fragmenté, avec de nombreux petits acteurs. Il est presque impossible pour eux de se différencier. Leur arme consiste à être des acteurs locaux, à jouer la proximité. L'acteur plus important se démarque, lui, par ses offres en proposant des services plus innovants et moins chers. Encore faut-il communiquer sur ses avantages. Ce qui n'est pas toujours le cas.Je pense à Stéphane Plaza, qui a su redonner une autre image au secteur immobilier et a fondé en 2016 son propre réseau de franchise...
Il s'agit aujourd'hui d'un homme de média. Il est parti de son image pour construire son réseau, alors que la démarche est inverse pour l'ensemble de la profession. Si cette médiatisation est une très belle réussite, elle comporte aussi un revers de la médaille. Lorsque SOS Racisme et Loopsider ont mené une enquête sur la pratique illégale de discrimination raciale dans le domaine de l'immobilier, le groupe Stéphane Plaza Immobilier a, comme beaucoup, été visé. Dans ce cas-là, le viseur médiatique s'est plus focalisé sur sa personne que sur le groupe. Son hyperpersonnalisation et incarnation de l'entreprise peut se retourner contre lui, en cas de crise. C'est la rançon de la notoriété, et cela peut être injuste.Lors de vos précédentes expériences, vous avez beaucoup travaillé sur la gestion des réseaux sociaux et l'employee advocacy. Chez Altran, vous avez développé la campagne #MasterYourReputation. Chez Elior Group, avec #wearesocializer, vous avez également lancé un programme pédagogique pour sensibiliser les équipes aux bonnes pratiques sur les médias sociaux. Avez-vous prévu une campagne du même type chez Foncia ?
De mon expérience chez Altran, j'ai réalisé que les employés n'avaient pas, à l'époque, d'appétence particulière pour les réseaux sociaux et pratiquaient une autocensure énorme pour ne pas communiquer sur les entreprises où ils étaient en mission. C'est à partir de ce moment que j'ai compris qu'il était absolument nécessaire de faire de la pédagogie et de partager les bonnes pratiques des réseaux sociaux. L'expérience a été différente chez Elior où les employés étaient plus habitués à la pratique des réseaux sociaux. En revanche, ils manquaient de cadre et de contenus à partager. Mon travail a été de leur apprendre à produire ou partager du contenu et à être de véritables ambassadeurs de la marque.Je suis convaincu que les gens sont libres, et qu'on ne peut pas leur demander de se taire. Mais je voulais éviter qu'ils se fassent piéger en ne maîtrisant pas leur empreinte numérique et sa durabilité quasi éternelle et les former pour être des défenseurs de la marque en cas de crise. À être de véritables prescripteurs de l'entreprise en partageant leur fierté et leur quotidien. Les employés ont terriblement peur de mal faire. Il faut les mettre en confiance et leur faire prendre conscience de ce qu'il est possible de faire. Les employés sont tous potentiellement des communicants sur les réseaux sociaux. Il est préférable de les accompagner et de ne pas les abandonner. Je vais poursuivre cette logique chez Foncia.

Quel est votre mantra ?
Simple et efficace. Ce sont les deux mots pour moi qui doivent résumer le métier de la communication.Quel est votre gourou ?
Edward Bernays, l'inventeur des relations publiques. C'est une référence dans le métier.Comment libérez-vous vos chakras ?
En écrivant, j'ai besoin d'écrire. C'est libérateur. Mon prochain livre consacré à la communication sortira début 2020.En tant que spécialiste de la communication, quelle est votre vision du brand content ?
Le contenu représente l'essentiel de la communication : « Content is King ». Ce principe a guidé une campagne interne que j'ai menée avec mes équipes dans vingt-cinq pays dans le monde, chez Altran. Il n'y a pas de communication sans contenu. Souvent, les gens qui ne connaissent pas la communication abordent le sujet par l'outil – un journal, un podcast, une page Facebook – alors que l'on doit d'abord penser au contenu : quelle histoire ai-je besoin de partager ? Ensuite viendra le moment de réfléchir aux cibles et à la façon de les toucher. Le choix de l'outil interviendra à ce moment-là. C'est souvent la démarche inverse qui est faite par les gens qui ne sont pas des professionnels de la communication.J'ai toujours été émerveillé par la marque de pneus Michelin qui, pour moi, a inventé le brand content en 1900 – avec son célèbre Guide Michelin. Le brand content permet de donner un intérêt supplémentaire, du moins de créer un intérêt qui n'existe pas a priori sur la seule base de l'offre initiale de la marque. Il permet de sortir du discours commercial pour proposer un contenu qui intéresse directement le consommateur. Avec le brand content, on va toucher une cible bien plus large que le discours commercial.
» Souvent, les gens qui ne connaissent pas la communication abordent le sujet par l'outil – un journal, un podcast, une page Facebook – alors que l'on doit d'abord penser au contenu «