« C’est une campagne de morts-vivants »
« C'est une campagne de morts-vivants », déclarait le 23 mars le publicitaire bien connu Jacques Séguéla, lors de la conférence sur « Les nouvelles tendances de la communication politique » organisée par Stratégies.
Une campagne « gelée et anesthésiée » par la guerre en Ukraine, d'après Frédéric Dabi : directeur général Opinion du groupe IFOP
L'intérêt pour la campagne n'a jamais dépassé 52 %. C'est 20 % de moins par rapport à 2017 et 30 % de moins qu'en 2007. Comment l'expliquer ? Les Français ont subi un choc terroriste avec Samuel Paty, une crise sanitaire avec le Covid-19, puis une crise internationale avec la guerre en Ukraine. L'un des grands enjeux est de réussir à amener les jeunes aux urnes. Selon Frédéric Dabi, 60 à 70 % des Français pensent que leurs enfants vivront moins bien qu'eux. De ce constat découle une véritable : « vanité du vote avec une logique de "à quoi bon" ».Cependant, « la résilience de l'opinion déjà observée après les attentats de 2015 est réelle. L'optimisme en l'avenir enregistré par l'IFOP est le plus fort observé depuis le scrutin présidentiel de 2007 ».
La « peopolisation de la campagne » : stratégie subie ou choisie ?
« La peopolisation n'est pas un sujet assumé par les politiques », déplore Franck Louvrier, conseiller de Valérie Pécresse et maire de la Baule, qui a abordé le thème de la communication des politiques à travers les magazines people : « Qu'on le veuille ou non, la vie publique est atteinte par cette démonstration photographique qui a encore de belles années à vivre », explique-t-il. Si ces journaux ont la réputation d'être « une presse sale », ils sont également les plus lus en France avec « 11 millions de lecteurs en moyenne chaque semaine, dans toutes les catégories de population ».Quand certains politiciens subissent cette peopolisation, comme Éric Zemmour lorsqu'il fait la une de la couverture de Paris Match avec « sa très proche conseillère » Sarah Knafo, le 23 septembre 2021, d'autres s'approprient sans complexe les codes de ces magazines people. Sachant que les hommes politiques seront dans tous les cas confrontés au dévoilement de leur vie personnelle, la bonne stratégie de communication serait alors de maîtriser eux-mêmes ce qu'ils donnent à voir de leur jardin secret. C'est le cas d'Emmanuel Macron qui a lui-même orchestré ses faux clichés volés sur une plage à Biarritz alors qu'il était encore ministre des Finances. Il travaille depuis lors avec Michèle Marchand, surnommée « la papesse de la presse people ». Les candidats à l'élection présidentielle l'auront compris : « On vote pour un homme, pour une femme, et pas pour un parti, il faut donc humaniser une campagne par sa propre personne, ce sont des campagnes de caractère », explique Jacques Séguéla.
L'influenceurisation des candidats
« Comment s'adresser à ces électeurs qui ne regardent pas la télé ? » C'est la nouvelle question qui se pose à l'heure d'une campagne que Gaspard Guermonprez, journaliste et YouTuber appelle « la première campagne TikTok ».En 2022, tous les candidats développent leur stratégie de communication numérique. « Il est difficile de porter des messages sérieux et développés en 15 secondes avec une musique en fond sonore sur TikTok, explique-t-il, alors les candidats utilisent d'autres stratégies : Marine Le Pen tente de se donner une image plus tendre, se montre alors qu'elle caresse ses chats sous le sapin. Au contraire, Éric Zemmour se met en scène avec des musiques victorieuses dans une stratégie guerrière en plein match de tennis. »
Cependant, les candidats malgré leurs essais peinent à comprendre tous les codes de la plateforme, comme Yannick Jadot qui terminait son premier live Twitch par « RDV sur Twitch, la chaîne la plus hype du moment. » Gaspard Guermonprez explique : « On lui pardonnera avec tendresse cette confusion de considérer Twitch comme une des chaînes jeunesse d'un bouquet satellite. »
Illustration : Jacques Séguéla et Gilles Wybo - conférence sur « Les nouvelles tendances de la communication politique » - Stratégies