Instagram, la fin des likes
Propos recueillis par Alexandra Klinnik- Publié le 25 novembre 2019
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« Dans le marketing, surtout digital, il faut être prêt au changement à tout instant ». Pour Nicolas Catillon, consultant en communication et marketing digital, la fin des likes sur Instagram est synonyme de baisse du reach organique. Ce qui va pousser les utilisateurs à se tourner vers des publicités payantes. Interview.
Pour quelle raison Instagram met fin aux likes ?
Officiellement, Instagram met fin
aux likes pour mettre un terme à la compétition entre les utilisateurs et
utilisatrices, qui a un impact négatif sur la santé mentale des internautes. Je
ne pense pas que les intentions soient mauvaises, mais cette mesure permet
surtout de faire d'une pierre deux coups. Dans les pays tests (USA,
Irlande...),
les chiffres d'HypeAuditor ont montré une baisse entre 8 et 30 % du taux d'engagement des posts dont les likes ont été cachés. Comme
le taux d'engagement est une composante essentielle de l'algorithme de
pertinence d'Instagram, on peut imaginer que le reach va baisser, ce qui n'est
pas sans rappeler la stratégie de Facebook, qui a réduit le reach des pages au
point que tous sont obligés de se tourner vers les publicités dès lors qu'ils
veulent toucher leurs audiences. Dans un souci de rentabilité, c'est peut-être
ce qu'Instagram est en train de faire.
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S’inscrire Quel impact cela aura-t-il sur les utilisateurs, mais surtout sur les annonceurs ?
Je pense qu'on va assister à une
grosse baisse de la portée sur l'ensemble des posts organiques, il va falloir
redoubler d'inventivité pour générer la même visibilité. Les annonceurs, même
si 75 % des gens sur Instagram suivent au moins une marque, vont délaisser
quelque peu les posts au profit des stories, qui prennent une place maintenant
prépondérante sur le réseau. Selon Facebook, 60 % des gens s'aident
d'Instagram pour prendre leurs décisions d'achat. Le site Internet n'est plus
le lieu de rencontre entre consommateurs et marques, on peut donc penser que
les Instagram posts vont devenir des vitrines, et que ce seront les stories qui
vont constituer l'ensemble de l'interaction. Il s'agit d'un point très
intéressant parce que c'est un terrain fertile pour tous les passionnés de
social media et de créativité.
Sur quels autres indicateurs les marques vont-elles pouvoir s'appuyer ?
Je pense que les marques vont investir
beaucoup plus dans les stories, mais également que les influenceurs vont devoir
se professionnaliser très rapidement, et être capables de montrer des
statistiques non seulement de
reach et d'engagement, mais aussi de trafic et de ventes. La vague du marketing
d'influence à outrance est en train de redescendre, et les annonceurs sont de
plus en plus exigeants vis-à-vis du ROI, déjà très difficile à calculer dans un
contexte où les informations sont très cloisonnées. Mais des outils se
développent permettant aux influenceurs de posséder ces données, et je pense
que ce sont vraiment ceux qui sont capables d'en justifier qui vont pouvoir
attirer les annonceurs. D'un autre côté, une campagne est vraiment efficace
quand elle est intégrée à un dispositif global, donc l'influenceur peut servir
d'appui pour l'image et le contenu (apportant ainsi sa touche créative), tandis
que d'autres leviers viennent compléter le ROI. En réalité, l'influence peut
être vue comme un levier de création de contenu avec une diffusion intégrée,
bonus par rapport à celle déjà prévue dans le plan marketing.
Comment les marques peuvent-elles s'adapter ?
Les marques vont se tourner vers des
formats plus efficaces et vont donc devoir travailler avec des spécialistes
pour rester pertinentes (que ce soit en agence ou en interne). Les
rétroplannings de posts sur plusieurs semaines ne vont plus être aussi
efficaces et il faudra recruter des community managers pour leur patte, leur
talent et leur réactivité, tout en s'assurant qu'ils aient parfaitement saisi
la voix de la marque. Pour moi, ce poste et le poste de social media manager
vont prendre une importance encore plus stratégique dans le sens où les
contenus Instagram les plus pertinents vont devenir des contenus éphémères.
C'est donc une mauvaise nouvelle pour les marketeurs...
Dans le marketing, surtout digital,
il faut être prêt au changement à tout instant. C'est un métier qui requiert
deux qualités essentielles : la rigueur du chiffre et l'adaptabilité. Les
marketeurs pour qui c'est une mauvaise nouvelle sont ceux qui n'arriveront pas
à s'adapter aux changements, mais il faut s'y préparer en permanence dans cet
univers d'algorithmes en perpétuelle évolution. Cela peut en revanche signifier
une augmentation des budgets SEM pour certains acteurs dans des secteurs très
concurrentiels, mais globalement le changement des posts vers les stories est
déjà bien avancé pour ceux qui ont vu le changement arriver.