entretien

« La vraie question est : comment donner envie aux lecteurs de payer pour du contenu ? Â»

« La vraie question est : comment donner envie aux lecteurs de payer pour du contenu ? Â»

Propos recueillis par Laszlo Perelstein- Publié le 24 mars 2018  - Mis à jour le 30 novembre 2022
0

Nouvelle formule de Glamour, montée en puissance du numérique, collaboration avec les marques... À l'heure où les médias cherchent des sources de financement, Violaine Degas, directrice générale adjointe de Condé Nast France en charge du digital, explique la nécessité pour l'éditeur de GQ, Vanity Fair, Glamour, AD et Vogue de se reconnecter avec son audience, meilleur atout dans la valorisation des contenus.

Depuis quelques jours, Glamour a adopté une nouvelle formule. Qu'est-ce a qui motivé cette décision?

Violaine Degas : Le magazine papier Glamour était en baisse en chiffres de ventes au numéro : cela nous a donc conduit à repenser la formule. Céline Perruche, la rédactrice en chef, avait envie, depuis son arrivée en janvier 2017, de reconnecter les contenus du magazine avec les attentes de son lectorat, de revoir le positionnement éditorial qui ne semblait plus en phase avec son époque et sa cible. Nous voulions nous éloigner des clichés des magazines féminins : ils parlent de mode, de beauté… dans un modèle d'injonction — « Que faut-il que j'achète ? Que je consomme ? » —, qui n'est pas assez ouvert. Or, on peut adorer acheter du maquillage et se passionner pour le changement climatique.
 
Découvrez le nouveau site de Glamour
L'idée était donc de remanier le journal afin qu'il offre des sujets plus société, news ou politique, tout en gardant des pans mode et beauté. Des contenus qui passionnent notre audience et que nous voulions traiter différemment : en les ancrant plus dans la réalité des jeunes femmes d'aujourd'hui. À mesure que le concept éditorial s'affinait du côté de la rédaction, nous avons repensé le modèle de distribution des contenus, en accordant une place plus forte au digital et au social. Nous sommes allés sur des thématiques plus conversationnelles et où les plateformes sociales peuvent jouer un rôle plus grand que ce que l'on pouvait faire jusqu'à présent.

Des distinctions sont-elles opérées dans le contenu que vous partagez sur les réseaux sociaux ?

V. D. : Les équipes éditoriales produisent de plus en plus de contenu différencié en fonction de l'endroit où il est distribué. Il y a une vraie adaptation de la ligne éditoriale aux usages d'une plateforme, à ce que l'on connaît de notre audience sur cette plateforme, des sujets qui fonctionnent ou non dessus... Il est nécessaire d'adapter et non de produire un bloc de contenu que l'on va distribuer de manière indistincte. Nous essayons également de regarder ce qui fait le positionnement de la plateforme. Les journalistes travaillent pour cela avec les équipes d'audience growth du département marketing : ils s'appuient sur la data pour obtenir le maximum de connaissance d'un point de vue analytique sur nos communautés et la manière dont elles s'engagent via nos contenus. L'équipe marketing ne conseillera jamais à un journaliste d'écrire un article sur la parka beige plutôt que sur la noire, elle les aidera néanmoins à choisir le format le plus adapté au sujet. C'est une forme de collaboration qui permet plus de performance.
"Notre pouvoir de reconnexion avec la cible des Millennials peut intéresser aussi les marques."
Pour vous donner un exemple, nous avons réalisé pour Vogue et Glamour une analyse en profondeur sur Instagram. Nous voulions savoir quels étaient les contenus qui engageaient le plus nos communautés et avons obtenu des natures de sujet très différentes. Les abonnés de Vogue Paris sont très attirés par tous les visuels du magazine, les beaux shootings ou les photos vintage. Les abonnés de Glamour, eux, s'intéressent à des choses plus accessibles : des adresses, des conseils pratiques, des clins d'œils, des mantras… Nous n'avons pas tout à fait les mêmes natures de contenu car nous n'avons pas tout à fait les mêmes natures de communauté et d'audience.

Comment mesurez-vous les performances de vos sites ?

V. D. : Nous scrutons quatre critères : le nombre de visiteurs uniques - notre audience au niveau du site internet (site centric) -, le nombre de visiteurs qui sont venus plus de quatre fois dans le mois - notre critère de fidélité, que nous cherchons à améliorer -, et ensuite deux critères plus axés audience sociale : le nombre de partages sur Facebook et le nombre d'interactions sur Instragram.

Le digital a-t-il vocation à remplacer le print dans le modèle économique de Glamour ?

V. D. : Mécaniquement, la place du print d'un point de vue diffusion pure sera plus faible puisque Glamour aura moins de numéros (6 par an contre 10 auparavant). Une partie importante du chiffre d'affaires provient de la publicité dans le magazine, nous avons vraiment misé sur une augmentation du chiffre d'affaires digital. Il sera lié à la production de contenus digitaux différents de ce que l'on peut trouver dans un magazine féminin dit « classique ». Nous pensons donc que notre pouvoir de reconnexion avec la cible des Millennials - même si je n'aime pas trop ce terme - peut intéresser aussi les marques. Elles pourront être attirées par notre tonalité, notre ligne éditoriale, notre manière de produire du contenu.
La majorité du chiffre d'affaires de Condé Nast France reste encore lié aux magazines papier, tandis que le digital représente plus de 20% du chiffre d'affaires, avec l'objectif d'atteindre les 30% d'ici deux ans. Un peu moins de la moitié des recettes du digital provient de la publicité classique (display), et le reste est généré par les contenus que nous réalisons pour les marques, qui représente l'un de nos leviers de croissance, avec la publicité programmatique et la data.

Condé Nast est connu pour travailler avec les marques, comment opérez-vous ?

V. D. : La production de contenu se partage entre les opérations spéciales, où l'annonceur produit du contenu et le monétise sur notre écosystème, et le brand content, qui opère en marque blanche, c'est à dire du contenu pour un annonceur qu'il peut utiliser sur son propre écosystème. Nous le faisons pour Lancôme, Air France Madame ou Moët Hennessy, notamment.
Violaine Degas
 
 
Philosophie de vie

Qui est votre gourou ?

Beaucoup de choses m'inspirent mais ce n'est pas tellement résumé par une seule personne.

Quel est votre mantra ?

« Better done than perfect. »

Comment libérez-vous vos chakras ?

Par des activités complètement extraprofessionnelles : les voyages, la lecture, les expositions. J'ai besoin de faire des pauses et de ne plus penser au travail. Je gère bien cet équilibre.
Au niveau créatif, un studio transverse travaille avec des ressources éditoriales ad hoc en fonction des briefs au sein de nos rédactions. Si certaines ressources sont mutualisées, d'autres, comme les journalistes, restent très proches de leur marque et nous les activons au coup par coup.

À votre arrivée au sein de Condé Nast France, le revenu moyen annuel généré par un lecteur était d'environ 15 euros. Qu'en est-il aujourd'hui ?

V. D. : Nous avons adopté une stratégie de valeur ces dernières années, que ce soit sur les prix des magazines ou les prix des abonnements, donc ce revenu a augmenté. Mais le véritable sujet est pour moi ailleurs : il est dans la diversification des offres proposées aux lecteurs et leur monétisation. Nous avons déjà lancé des événements et le contenu, sous toutes ses formes, est pour nous prioritaire. En ce sens nos interrogations pourraient se résumer à : « Quelle approche servicielle ou quelle approche de contenu peut-on créer pour donner envie aux gens de payer pour ce contenu ou ce service ? »
C'est un vaste sujet car nous ne sommes pas un quotidien ou un média de news donc il n'y a pas d'addiction à l'actualité chaude dans ce que l'on peut produire. Nous misons sur une création de valeur par rapport au contenu digital que nous publions gratuitement aujourd'hui.
bio
Violaine Degas,
Directrice générale adjointe de Condé Nast France
Violaine Degas
Violaine Degas est Directrice Générale Adjointe de Condé Nast France, en charge des activités digitales. Elle a rejoint Condé Nast en février 2016 après un long parcours côté agence sur des sujets digitaux et data. Précédemment, elle dirigeait OgilvyOne Paris, l’entité digitale et relationnelle d’Ogilvy (WPP) où elle travaillait, dans une logique internationale, pour de nombreux clients, dont Nestlé. Elle a débuté sa carrière au sein de Rapp, l’agence digitale et CRM de DDB Paris (Omnicom).
Webinaires et évènements
Je m'inscris pour recevoir nos invitations aux webinaires

Ne ratez pas nos évènements, webinaires en ligne ou petits déjeuner bien physiques

>> Recevez nos invitations aux webinaires
Partager ce contenu
Envie de parcourir la jungle des contenus avec nous ?

S'inscrire à notre newsletter

Inscrivez-vous à la newsletter Story Jungle

Explorer les nouvelles narrations et les nouveaux usages des contenus.
A lire ou à voir également sur le même sujet

Anne-Claire Genthialon : « Le métier passion comporte une promesse individuelle : celle de l’accomplissement d’une destinée»

Anne-Claire Genthialon : « Le métier passion comporte une promesse individuelle : celle de l’accomplissement d’une destinée»

Le métier passion consume tout autant qu'il fait vibrer. C'est cette relation ambivalente que décortique Anne-Claire Genthialon dans Le piège du métier passion,...

Le métier passion consume tout autant qu'il fait vibrer. C'est cette relation ambivalente que décortique Anne-Claire Genthialon dans Le piège du métier passion, publié aux éditions Alisio.

« Le milieu du podcast est désormais davantage dans une démarche d’entreprise que de start-up Â»

« Le milieu du podcast est désormais davantage dans une démarche d’entreprise que de start-up Â»

Le Paris Podcast Festival a pris fin ce dimanche 23 octobre, après quatre jours de rencontres. 300 intervenants, 80 événements : l'événement a été riche,...

Le Paris Podcast Festival a pris fin ce dimanche 23 octobre, après quatre jours de rencontres. 300 intervenants, 80 événements : l'événement a été riche, réunissant plus de 8 000 visiteurs à la Gaîté Lyrique, à Paris. Nina Cohen, directrice du Paris Podcast Festival, fait le point sur cette cinquième édition, placée sous le signe de la « puissance de la douceur Â». Interview.

Benoît Raphaël : Information, l'indigestion

Benoît Raphaël : Information, l'indigestion

C'est un « voyage au bout de l'info Â» que propose l'entrepreneur, et auteur, journaliste spécialisée dans les usages de l'intelligence artificielle Benoit RaphaÃ...

C'est un « voyage au bout de l'info Â» que propose l'entrepreneur, et auteur, journaliste spécialisée dans les usages de l'intelligence artificielle Benoit Raphaël dans son livre « Information : l'indigestion Â», un manuel pour penser par soi-même dans le chaos de l'info, publiée aux éditions Eyrolles.

LinkedIn dit adieu aux modèles de publication pour les posts célébration

LinkedIn fait évoluer sa stratégie de contenu en supprimant les templates intégrés pour les publications dites « de célébration Â». Cette décision marque un tournant pour...

LinkedIn fait évoluer sa stratégie de contenu en supprimant les templates intégrés pour les publications dites « de célébration Â». Cette décision marque un tournant pour les utilisateurs de la plateforme, en les encourageant à adopter une approche plus créative et personnalisée dans leurs partages.

Guillaume Gibault, #TeamSlipMadeInFrance

Guillaume Gibault, #TeamSlipMadeInFrance

Pour ceux qui le connaissent, Guillaume Gibault est « le type du Slip ». Pour les autres, c'est le président-fondateur du Slip Français.

Pour ceux qui le connaissent, Guillaume Gibault est « le type du Slip Â». Pour les autres, c'est le président-fondateur du Slip Français.

Marché de l'influence : la fin du Far West ?

Marché de l'influence : la fin du Far West ?

Faut-il créer un statut d'influenceur ? Doit-on soumettre les contenus rémunérés aux contraintes du marché de la publicité ? Doivent-ils être validés par une autorité...

Faut-il créer un statut d'influenceur ? Doit-on soumettre les contenus rémunérés aux contraintes du marché de la publicité ? Doivent-ils être validés par une autorité compétente ? Doit-on mettre en place des systèmes de vérification automatisés pour les placements de produits ?

La stratégie marketing derrière la victoire de Donald Trump

La stratégie marketing derrière la victoire de Donald Trump

Pour gagner le droit de passer à nouveau la porte de la Maison Blanche, Donald Trump a déployé une campagne digitale poussée à l'extrême, qui a brisé les codes et repoussé...

Pour gagner le droit de passer à nouveau la porte de la Maison Blanche, Donald Trump a déployé une campagne digitale poussée à l'extrême, qui a brisé les codes et repoussé les limites de la politique « Ã  l'américaine Â». Du politiquement correct, aussi.

Quand les journalistes investissent YouTube et vice versa…

Quand les journalistes investissent YouTube et vice versa…

Dans le coin gauche, des journalistes comme Élise Lucet ou Claire Chazal qui se lancent sur YouTube. Dans le coin droit, des youtubeurs comme HugoDécrypte ou Gaspard G qui embauchent...

Dans le coin gauche, des journalistes comme Élise Lucet ou Claire Chazal qui se lancent sur YouTube. Dans le coin droit, des youtubeurs comme HugoDécrypte ou Gaspard G qui embauchent des journalistes pour bosser sur leurs contenus. Et au milieu, un combat de boxe qui ressemble de plus en plus à une valse délicate entre les deux camps...

LinkedIn introduit la génération de leads via les posts sponsorisés

LinkedIn offre une nouvelle opportunité aux annonceurs en permettant d'ajouter la génération de leads comme objectif pour les publications boostées...

LinkedIn offre une nouvelle opportunité aux annonceurs en permettant d'ajouter la génération de leads comme objectif pour les publications boostées. L'objectif ? Permettre de baisser le coût des leads en s'appuyant sur la force de vos contenus organiques.

Comment les marques racontent la France

Comment les marques racontent la France

Et si les prises de parole des Renault, SNCF et autres McDonald's influençaient subrepticement la manière dont nous nous représentons collectivement la France et les Français...

Et si les prises de parole des Renault, SNCF et autres McDonald's influençaient subrepticement la manière dont nous nous représentons collectivement la France et les Français ?

Claire Touzard, autrice de Féminin : "Il faut davantage de liberté de parole"

Claire Touzard, autrice de Féminin : "Il faut davantage de liberté de parole"

Claire Touzard est celle qui ose. Après avoir brisé le tabou de l'addiction à l'alcool dans le pays où le verre de vin est roi, dans un journal de bord intitulé Sans alcool...

Claire Touzard est celle qui ose. Après avoir brisé le tabou de l'addiction à l'alcool dans le pays où le verre de vin est roi, dans un journal de bord intitulé Sans alcool, elle s'attaque dans Féminin, un roman d'auto-fiction ,au modèle économique de la presse féminine, et dans une plus large mesure au capitalisme.

Comment Dassault Systèmes a investi TikTok

Comment Dassault Systèmes a investi TikTok

En juillet dernier, Dassault Systèmes, une marque B2B s'il en est, se lançait sur TikTok. 7 mois plus tard, la marque compte 63 000 abonnés et plus d'un millions de likes,...

En juillet dernier, Dassault Systèmes, une marque B2B s'il en est, se lançait sur TikTok. 7 mois plus tard, la marque compte 63 000 abonnés et plus d'un millions de likes, un post à plus de 7 millions de vues et plusieurs flirtant avec le million.

Amir Satvat, les bons tuyaux du jeu vidéo

Amir Satvat, les bons tuyaux du jeu vidéo

Business Development Director chez Tencent Games, Amir Satvat est un vieux routier du développement commercial dans l'industrie du jeu vidéo, avec plus de vingt ans d'expérience...

Business Development Director chez Tencent Games, Amir Satvat est un vieux routier du développement commercial dans l'industrie du jeu vidéo, avec plus de vingt ans d'expérience dans des boîtes comme Dell, PlaySide Studios ou Amazon Games.

10 conseils pour optimiser vos vidéos courtes sur LinkedIn

Parce que LinkedIn met en avant les vidéos courtes pour dynamiser l'engagement sur sa plateforme et permettre des stratégies d'influence. Voici dix conseils clés pour tirer...

Parce que LinkedIn met en avant les vidéos courtes pour dynamiser l'engagement sur sa plateforme et permettre des stratégies d'influence. Voici dix conseils clés pour tirer le meilleur parti de ce format et booster votre stratégie de contenu sur la plateforme.

Vanessa Wyche, la NASA comme si vous y étiez

Vanessa Wyche, la NASA comme si vous y étiez

Cadre de la NASA depuis une bonne vingtaine d'années, Vanessa Wyche est surtout connue pour être la directrice du Johnson Space Center depuis 2021

Cadre de la NASA depuis une bonne vingtaine d'années, Vanessa Wyche est surtout connue pour être la directrice du Johnson Space Center depuis 2021

Hugo Clément, en vert et contre tous sur LinkedIn

Hugo Clément, en vert et contre tous sur LinkedIn

Journaliste, animateur, producteur, Hugo Clément est devenu une figure de l'écologie dans les médias et une Top Voice qui monte, qui monte sur LinkedIn !

Journaliste, animateur, producteur, Hugo Clément est devenu une figure de l'écologie dans les médias et une Top Voice qui monte, qui monte sur LinkedIn !

20 Mint : le pari fou de 20 minutes pour décrypter le Web 3.0

20 Mint : le pari fou de 20 minutes pour décrypter le Web 3.0

Laurent Bainier, journaliste à 20 minutes a un projet fou : décrypter le Web 3 en inventant un média complètement immergé dans le Web 3.

Laurent Bainier, journaliste à 20 minutes a un projet fou : décrypter le Web 3 en inventant un média complètement immergé dans le Web 3.

Les Message Ads reviennent sur LinkedIn !

Après deux ans d'absence, les Message Ads font leur grand retour sur LinkedIn ! Un format particulièrement efficace et très apprécié par les annonceurs.

Après deux ans d'absence, les Message Ads font leur grand retour sur LinkedIn ! Un format particulièrement efficace et très apprécié par les annonceurs.

Un média consacré aux nouveaux formats et à LinkedIn.
close
{POPUP_CONTENT}