Qu’est-ce que FactCheckEU, cette plateforme européenne en lutte contre la désinformation ?
Du 23 au 26 mai prochain, les électeurs devront se présenter aux urnes pour élire les nouveaux représentants du Parlement européen. À l'approche des élections, la plateforme collaborative FactCheckEU a été lancée – sous l'impulsion de Libération – pour lutter contre les fake news. Pauline Moullot, journaliste à CheckNews, le service de fact-checking de Libé, nous explique le fonctionnement de cette plateforme européenne.
CheckNews a remporté le premier prix d'innovation dans le fact-checking, organisé par l'International Fact-Checking Network (IFCN), en mai 2018. Avec cette bourse de 50 000 dollars, Libé s'engageait à étendre CheckNews à l'international, en proposant clé en main une plateforme questions-réponses de type CheckNews à des partenaires non français. Nous avons choisi de nous recentrer sur les Européennes. Dans le même temps, l'IFCN voulait également lancer une alliance de fact-checking pour ce même scrutin. On leur a naturellement proposé de travailler ensemble : Libé s'est engagé à développer la plateforme pour les Européennes et l'a élargie en proposant une partie de fact-checking plus classique pour avoir un maximum de partenaires. Libé a donc financé, grâce à cette bourse, le développement du site. L'IFCN a trouvé d'autres financements pour pouvoir prendre un chef de projet le temps des élections, et financer des traductions afin d'atteindre un public européen le plus large possible.
Tous les journalistes de CheckNews sont-ils sollicités ?
La plateforme permet à tous les journalistes des rédactions partenaires non françaises, réparties dans 13 pays, de recevoir des questions d'internautes européens. En France, seul CheckNews répond aux questions.Répondre aux questions, c'est le principe même de CheckNews, et tous les membres de notre équipe peuvent effectivement se saisir de ces questions d'internautes. Chacun répondra à des questions selon ses spécialités, comme d'habitude.
Les autres médias (donc les autres médias français) peuvent plus largement mettre sur cette plateforme des fact-checking de leur propre initiative, qui ne sont pas des réponses à des questions reçues.
Quel est le but exact de cette plateforme internationale ?
Le but, pour nous, est de renforcer la coopération entre les médias reconnus par l'IFCN. À CheckNews, il nous est arrivé plusieurs fois de solliciter des médias de fact-checking européens pour leur demander de l'aide sur des sujets concernant leur pays – et réciproquement.
FactCheckEU permet d'aller plus loin : dorénavant, tous les contenus que ces médias mettent sur la plateforme sont traduits en anglais, et chaque rédaction peut en plus demander à traduire un certain nombre d'articles dans sa langue. On pourra par exemple reprendre un papier italien traduit en français sur notre site, et vice versa.
Par ailleurs, il est courant que des rumeurs ou des intox traversent les frontières, changent de langue. Mettre en commun les sujets sur une plateforme unique est une réponse à ce phénomène. Répondre directement aux questions des Européens permet de recréer un lien avec les lecteurs, le public. Retrouver leur confiance et instaurer un dialogue, crucial dans une période d'élections.
Quels sujets seront abordés en priorité ?
Tous les sujets qui auront trait à la vérification d'infos sur les Européennes. Toute déclaration politique, rumeur en ligne qui s'y rapporte. On compte aussi étudier certains mécanismes de désinformation, par exemple si une fausse info ou une idée reçue se propage ou est partagée dans plusieurs pays : pourquoi/comment ? Pour la partie questions-réponses type CheckNews, tout dépend des questions que nous poseront les internautes.
Avez-vous l'impression que les gens se mobilisent pour les élections européennes ?
En tout cas, nous oui ! FactCheckEU a été lancée deux mois avant ce scrutin à dessein. On ne prétend pas résoudre le problème de l'abstention ou du désintérêt des citoyens vis-à-vis de l'UE. On essaye juste d'en expliquer les rouages auprès de notre lectorat. Comme dans chaque campagne, débat public dit beaucoup de communication politique, dit accroissement du nombre de déclarations fausses ou de rumeurs erronées en ligne, par exemple. C'est aussi là qu'on intervient, pour réfuter, contextualiser ou donner des éléments de compréhension.