« Sur les réseaux sociaux, il y a un retour au côté exclusif »
Les marques et les médias repensent leur stratégie numérique en diffusant du contenu spécifique et à des communautés sélectionnées pour faire face aux différentes mises à jour de l'algorithme de Facebook et à la baisse de portée sur les réseaux sociaux, explique Marie Dollé, consultante et formatrice dans ce domaine.
Le storytelling tient une place dominante dans la communication des marques, comment se démarquer ?
Marie Dollé : Produire du contenu de qualité n’est plus suffisant. La distribution de ces contenus est toute aussi importante. Et comme les lignes bougent et les usages évoluent en permanence il faut faire preuve d’une adaptabilité à toute épreuve. Un terme qui revient à la mode en ce moment c’est le “storytelling” car l’humain aime qu’on lui raconte des histoires ; il est fait d’histoires et de souvenirs. Et ce storytelling de marque est important car il va permettre de mieux engager ses audiences. Il est un critère indispensable pour réussir sur le digital car quelle que soit la plateforme, les algorithmes privilégient les contenus qui génèrent de l’interaction.Cette communication passe-t-elle forcément par les réseaux sociaux ou y-a-t-il des moyens alternatifs pour atteindre le lecteur ?
M. D. : On assiste depuis plusieurs années à une explosion des plateformes et une atomisation des contenus. Si le canal social media prend une ampleur considérable dans les stratégies de marque, il est loin d’être le seul et pourrait d’ailleurs à terme perdre son piédestal. En cause la baisse drastique du reach organique qui fait réaliser aux marques que non, leur page Facebook, leur compte Instagram ne leur appartiennent pas et qu’elles doivent réinvestir dans leur autonomie.Vous avez des marques qui développent des modèles communautaires, d’autres qui décident de réactiver leur blog et quelques marques voient plus grand encore et vont jusqu’à créer leur propre réseau social de marque. C’est une tendance de fond, en 2018 et dans les années à venir les marques vont rationaliser leur présence sociale et créer des expériences sociales interactives et immersives dans leurs propres écosystèmes. Le fameux Graal de l’expérience client.

L'objectif à terme, c'est de se passer des réseaux sociaux ?
M.D. : Facebook fédère plus de deux milliards d'utilisateurs actifs mensuels. Ce serait donc une hérésie de supprimer une présence sociale pour un écosystème qui, dans certains cas, est à recréer. Les marques doivent changer leur perception des réseaux sociaux : ne plus les considérer comme des destinations où l'on s'attarde, mais plutôt comme un point de passage où on interpelle son audience et la ramener dans son réseau. Cette tendance à se rendre vers des communautés un peu plus privées de la part des consommateurs, à l'abri des regards, est une réalité : elle s'apparente à un retour au côté exclusif. Avec le numérique, on innove, on privilégie le disruptif, puis parfois on revient aux fondamentaux.
On a beaucoup parlé l'an passé de "pivot vers la vidéo"...
M. D. : Affirmer que la vidéo est une tendance en vogue dans nos communications digitales, c’est un peu comme enfoncer une porte ouverte. Autant dire un non débat, une évidence prophétique. Les plateformes sociales misent ainsi sur deux grands axes : tout d’abord encourager leurs audiences à publier du contenu vidéo - à plusieurs reprises, Facebook a mis à jour son Newsfeed Ranking Algorithm afin de favoriser les live vidéo mais aussi les formats plus longs avec un taux de complétion élevé. Mais aussi produire par elles-mêmes leurs propres supports vidéo et ainsi “disrupter” le modèle TV classique.La nouvelle norme de la télévision, c’est l’OTT ou “over-the-top”, sigle qui définit la télévision par contournement, c’est-à-dire tous les services qui proposent des contenus audiovisuels via Internet sans passer par le canal traditionnel d’un opérateur, qu'il s’agisse une compagnie de câble, de téléphone ou de satellite.
La frénésie est telle que certains n’hésitent plus désormais à prôner l’urgence pour les marques d’un basculement au 100% vidéo. Ce qui serait une hérésie. En 2018 la vidéo, si elle est populaire, ne doit pas s’envisager en solo : cela limiterait sa narration digitale ! Gifs, infographies, gifographies, contenus interactifs et immersifs… l’heure est à la diversification. Il faut tester ces éléments interactifs, apprendre à les maîtriser et les injecter dans le récit de marque pour y insuffler un nouvel élan.» Certains n’hésitent plus désormais à prôner l’urgence pour les marques d’un basculement au 100% vidéo. Ce qui serait une hérésie. «

Est-ce que les plateformes dictent les nouveaux formats ?
M. D. : Les plateformes proposent et le consommateur dispose. La marque, in fine s’adaptera au choix du consommateur. Les stories sur Snapchat sont un tel succès qu'à présent toutes les plateformes sociales disposent d’un modèle similaire. Et l’engouement est tel que cela dépasse le cadre même des réseaux sociaux. Le Figaro, Le Huffington Post et bien d’autres médias ont développé leur modèle “snap journalisme”, certaines marques aussi commencent à proposer des modèles semblables.